La cafetière de la salle de pause, un vrai nid à microbes

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Publié le 19/01/2024
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Et si la cafetière de la salle de repos était le principal agent de contamination bactérienne des soignants et un pourvoyeur de maladies nosocomiales ? Une étude allemande publiée dans le BMJ montre que sur 72 écouvillons réalisés sur des machines à café hospitalières, 360 micro-organismes ont été détectés mais peu d’entre eux étaient médicalement pertinents et aucun multirésistant. Vous avez encore envie d’un café ou vous préférez un thé ?

Les machines installées dans les hôpitaux étaient environ trois fois plus colonisées par des espèces bactériennes que celles installées à domicile

Les machines installées dans les hôpitaux étaient environ trois fois plus colonisées par des espèces bactériennes que celles installées à domicile
Crédit photo : BURGER/PHANIE

L’odeur matinale du café – le plus souvent robusta et rarement arabica – dans la salle de pause a accompagné toutes les générations de médecins hospitaliers et d’internes. Cette cafetière filtre dont la résistance réchauffait l’indispensable boisson du matin, jusqu’à la concentrer à l’extrême, a été bien souvent remplacée par des machines automatiques à capsules généralement commandées auprès d’une grande marque par un soignant bénévole. Cette tradition n’est pas exclusivement française puisque Sarah Walker et coll., des microbiologistes et hygiénistes de Cologne en Allemagne, ont décidé de travailler sur les risques potentiels de transmissions d’infection nosocomiales par les machines à café que l'on trouve dans les salles de pause, qui sont régulièrement touchées à mains nues par les soignants et ne bénéficient pas toujours de mesures de nettoyage appropriées. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d'éliminer tout vecteur potentiel de transmission des infections nosocomiales, c’est ce qui a conduit à proscrire les cravates des médecins britanniques ou les bibles des établissements de soins religieux aux États-Unis. Les cafetières seront-elles les prochains objets bannis des hôpitaux ?

Une évaluation microbienne des machines à café

Les auteurs ont évalué la population microbienne dans les machines à café associées aux soins de santé, en mettant l'accent sur les agents pathogènes « ESKAPE » hautement prioritaires de l'OMS en raison de leur risque de transmission nosocomiale (Enterococcus faecium, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa et Enterobacter).

360 souches de micro-organismes ont été isolées à partir de 72 écouvillons positifs pour les machines hospitalières

 

Du 31 octobre au 31 décembre 2022, ils ont analysé un total de 25 cafetières (avec l'accord de leurs propriétaires) couvrant une gamme de machines entièrement automatiques, à capsules et à expresso. Dix-sept provenaient des salles de repos et des bureaux du département d'anesthésiologie et de médecine de soins intensifs d'un hôpital universitaire ou de l'Institut de microbiologie médicale, deux établissements situés à Cologne, en Allemagne. Huit autres se trouvaient au domicile des membres du personnel.

Résultat : 360 souches de micro-organismes ont été isolées à partir de 72 écouvillons positifs pour les machines hospitalières soit 126 isolats à partir de 17 écouvillons positifs provenant du bac collecteur ; 61 sur 10 du point de sortie ; 41 sur 14 des boutons ; 59 sur 15 du réservoir d'eau extérieur ; et 73 sur 16 du réservoir d'eau intérieur.

Pour les machines à café à domicile, 135 souches de micro-organismes ont été isolées à partir de 34 écouvillons positifs : 46 sur 8 provenant du bac collecteur ; 26 sur 6 du point de sortie ; 16 sur 7 des boutons ; 13 sur 6 du réservoir d'eau extérieur ; et 34¹sur 7 du réservoir d'eau intérieur.

Les auteurs ont classé les micro-organismes en deux catégories : « agents pathogènes typiques/médicalement pertinents », liste prioritaire de l'OMS et « agents pathogènes/commensaux atypiques ». Parmi les huit genres d’espèces Gram négatif « médicalement pertinentes » détectés, 81 % ont été trouvés dans les cafetières de l’hôpital. Il s’agissait d’Acinetobacter baumannii, de Citrobacter freundii, d’Enterobacter cloacae, d’Escherichia coli, de Klebsiella spp, de Pantoea spp, de Pseudescherichia vulneri et de Pseudomonas aeruginosa.

Au total, 72 % de tous les isolats Gram négatifs cultivés (148/209) – « médicalement pertinents » et « commensaux » combinés – provenaient de cafetières hospitalières. Les machines installées dans les hôpitaux étaient environ trois fois plus colonisées par des espèces bactériennes que celles installées à domicile.

Les auteurs ont aussi analysé si cette étude a eu un effet d'entraînement puisque les résultats étaient attendus par tous les propriétaires de machines à café qui désormais les nettoient plus régulièrement. Seule une machine a dû être remplacée en raison de l’indestructibilité du biofilm détecté. Qu’en est-il pour les théières ? Cette question fera peut-être l’objet d’une prochaine étude.

Walker SV, Boschert AL, Wolke M. et coll. Bug in a mug : are hospital coffee machines transmitting pathogens? BMJ 2023;383:p2564 doi : https://doi.org/10.1136/bmj.p2564


Source : lequotidiendumedecin.fr