Les libéraux et l’assurance-maladie

À la recherche d’un dialogue plus constructif

Publié le 06/02/2014
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Crédit photo : PHANIE

Le Dr Jean-Bernard Rottier aimerait que la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) fasse preuve d’un peu plus de respect vis-à-vis des ophtalmologistes libéraux. « On a vraiment l’impression qu’ils nous considèrent comme des voleurs ou des tricheurs. C’est assez frappant de constater qu’ils ne s’adressent pas de la même façon aux ophtalmologistes libéraux et hospitaliers », indique le président du Syndicat national des ophtalmologistes français (SNOF).

Tout en affirmant sa volonté de maintenir un dialogue constructif avec la CNAM, le Dr Rottier ne peut s’empêcher de formuler quelques critiques. « Ce qu’on regrette, c’est d’abord le fait qu’il n’y a pas de leur part de volonté d’uniformiser les positions des caisses primaires avec celles de la caisse nationale. Sur le terrain, cela nous pose de gros problèmes car des caisses acceptent certaines choses au niveau des cotations, qui sont refusées par d’autres. Et quand une caisse primaire attaque un confrère, la caisse nationale se retranche derrière l’argument selon lequel chaque caisse est souveraine dans ses décisions. Alors que tout le monde sait très bien que les caisses primaires reçoivent des consignes du national », explique le président du SNOF.

Le Dr Rottier déplore aussi le manque de réponses de l’assurance-maladie à certaines questions précises formulées par le syndicat. « Lors de notre dernière réunion, nous avons par exemple évoqué la possibilité de facturer les nouveaux patients –comme le font les centres Ophta.Vision– en cotant vision binoculaire + motilité oculaire, certes en secteur 1 mais à un tarif de 38,90 euros. J’ai donc dit à nos interlocuteurs qu’il était légitime d’étendre cette manière de procéder à tout le territoire. Silence gêné de nos interlocuteurs de la CNAM », indique le Dr Rottier.

Le président du SNOF reproche aussi à l’assurance-maladie de ne pas avoir de vision d’avenir de la filière ophtalmologique. « Aujourd’hui, on sait que dans notre spécialité, il y a davantage de départs en retraite que de nouvelles installations (lire aussi page précédente). D’une certaine manière, cela permet à l’assurance-maladie de faire des économies sur tous ces soins qui ne sont pas faits, faute d’ophtalmologistes en nombre suffisant. Elle pourrait profiter de cette manne financière pour réorienter l’offre de soins dans notre spécialité. Une de nos demandes, qui devient extrêmement urgente de satisfaire, est de faire en sorte que les ophtalmologistes de secteur 1 puissent bénéficier de cotations leur permettant de payer leurs orthoptistes. C’est le moyen le plus efficace pour diminuer les files d’attente ».

Le Dr Rottier avoue aussi ne pas comprendre les réticences de la CNAM à s’engager dans une « vraie démarche qualité » avec la spécialité. « Le paiement à la performance n’est pas une démarche qualité, c’est juste une démarche pour atteindre des objectifs d’indicateurs. Aujourd’hui, on recense environ 35 millions d’actes d’ophtalmologie chaque année en France. C’est impossible pour les caisses de tous les surveiller. Et on souhaiterait que l’assurance-maladie s’appuie davantage sur le corps professionnel dans cette démarche qualité, qui permettrait par exemple de faire les bonnes cotations au bon moment. En effet, il peut arriver que certains confrères, de bonne foi, se trompent de cotations dont ils ne connaissent pas toujours toutes les subtilités. L’attitude actuelle de la CNAM est plutôt de laisser déraper les comportements et de fondre sur les confrères lorsque les sommes en jeu sont importantes ».

Enfin, le Dr Rottier juge un peu « dépassé » le mode de fonctionnement de la CNAM par métiers et non par filières. « Chez eux, il y a un interlocuteur pour les ophtalmologistes qui est le même pour les autres médecins. Il y a un deuxième interlocuteur pour les orthoptistes et un troisième pour les opticiens. C’est une manière de procéder qui n’est plus adaptée aux réalités actuelles. Aujourd’hui les décisions qui concernent une profession impacte par ricochet les autres. Nous demandons depuis longtemps un pilotage de l’ensemble de la filière visuelle ».

En dépit de ces critiques, le Dr Rottier affiche sa volonté de continuer à dialoguer avec la CNAM. « Il est indispensable de travailler ensemble, bien sûr au travers des relais que sont les syndicats horizontaux, mais aussi directement avec nous car nous avons une réelle spécificité d’exercice, notamment sur le sujet des délégations pour lequel, nous sommes en avance sur les autres spécialités. Enfin, l’immense majorité des ophtalmologistes est bien plus honnête, responsable et soucieuse des deniers publics que ne le croit la direction de la CNAM ».

Entretien avec le Dr Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de france (SNOF).

Exergue

« Nous demandons depuis longtemps un pilotage de l’ensemble de la filière visuelle »

Antoine Dalat

Source : Bilan spécialistes