LA CSMF ET LE SML n’ont pas participé aux dernières séances de négociation conventionnelle. Cela ne les a pas empêchés de préparer à leur façon la prochaine convention médicale. Majoritaires et en mesure de signer seuls un accord, les deux organisations ont exposé leur projet pour moderniser la rémunération de la médecine libérale. Il s’agit en quelque sorte une contre-proposition au contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) que l’Assurance-maladie souhaite intégrer à la convention. Cette initiative s’appuie sur le schéma en 3 étages encouragé par les pouvoirs publics. L’acte resterait la base de la rémunération des médecins. La CSMF et le SML souhaitent que le tarif de toute consultation soit porté à 25 euros. Une ou plusieurs consultations à haute valeur ajoutée seraient mises en place dans chaque spécialité. Des forfaits permettraient de rémunérer certaines fonctions, notamment les tâches administratives. La CSMF et le SML s’opposent avec vigueur à l’extension et à la baisse du forfait médecin traitant réservé pour l’heure aux seuls patients en affection de longue durée (ALD) - l’Assurance-maladie a proposé d’abaisser le forfait existant de 40 à 23 euros pour les patients en ALD et d’instaurer un forfait annuel de 5 euros pour les autres patients. Cela conduirait selon eux à la « capitation et à la fonctionnarisation » de la médecine libérale.
Un CAPI à la sauce anglaise.
La grande nouveauté de ce projet réside dans la création d’une option conventionnelle permettant de « valoriser la qualité médicale ». Chaque médecin pourrait décider d’y adhérer ou non.
Ce système serait en quelque sorte un mariage du "payment for performance" qui existe aujourd’hui aux États-Unis et en Angleterre avec le CAPI français. Négociée par les partenaires conventionnels, choisie par les médecins quel que soit leur secteur d’exercice, cette « option qualité » reposerait sur le suivi de quatre indicateurs dont dépendrait la valorisation de la rémunération. D’abord, les médecins devraient remplir des indicateurs cliniques (tenue d’un registre des patients selon leur maladie, prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, diabète, broncho-pneumonie obstructive, cancers, épilepsie…). Ensuite, des indicateurs d’organisation du cabinet seraient scrutés tels que le partage de l’information (dossier informatisé), la tenue de registres (maladies, traitements, allergies, dépistages), le stockage des données médicales…
Le système de paiement à la performance reposerait également sur des indicateurs de prévention et de santé publique (dépistages des cancers du col de l’utérus, du sein et du côlon, contraception, conduites à risques, dépistage de l’obésité, suivi de l’enfant, grossesse…). Enfin, des critères d’efficience seraient demandés notamment sur l’optimisation des prescriptions en corrigeant certains indicateurs du CAPI actuel.
Un système de points permettrait de définir le montant de la rémunération complémentaire selon la réalisation des objectifs définis par chaque médecin. Dès l’année n+1, le médecin aurait une rémunération supplémentaire liée au nombre de points obtenus.
12 000 à 15 000 euros par an pour les "super-médecins".
La CSMF et le SML projettent que ce nouveau système représente rapidement au moins 20 % de la rémunération totale du médecin. Ce système devrait s’appuyer sur des « bases scientifiques incontestables », émanant des sociétés savantes et de la Haute autorité de santé (HAS). Pour les praticiens qui atteindraient 100 % de leurs objectifs, cette rémunération complémentaire pourrait représenter 12 000 à 15 000 euros par professionnel et par an. Dans un premier temps, il serait réservé aux médecins traitants, essentiellement généralistes, avant d’être adaptés à toutes les spécialités.
« Il nous faut redonner l’envie à tous d’être médecin libéral, déclare le Dr Christian Jeambrun. Avec ce projet ambitieux, nous changeons de paradigme, nous sortons des négociations conventionnelles classiques ». « Nous voulons tourner le dos à des solutions archaïques telles que les filières de soins, le gatekeeper et la capitation à l’anglaise, indique pour sa part le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Nous voulons basculer dans un système moderne, performant, qui garantisse une médecine de qualité et qui récompense les médecins au lieu de les pénaliser ».
Les deux syndicats sont plus prompts à vanter les mérites de leur projet qu’à en estimer le coût. « Il faut traduire le coût par rapport aux économies que ce dispositif entraînera », analyse le Dr Jeambrun. « La qualité et une meilleure organisation valent un investissement », clame Michel Chassang.
Pour novateur qu’il soit, ce projet devra recueillir l’aval de l’Assurance-maladie. Il devra aussi être compatible avec l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) qui sera fixé à +2,8 % l’an prochain.
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