DERNIÈRE LIGNE DROITE pour la campagne électorale aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS). Dans trois semaines, le scrutin sera clos, le 29 septembre étant la date limite d’expédition des bulletins par les médecins (selon leur spécialité et leur activité, ils votent pour des listes « généralistes », des listes « chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens » ou des listes « autres spécialistes »). Depuis des mois, les syndicats en lice (CSMF, FMF, MG-France, SML, Le Bloc, Union Collégiale (UC) sans oublier quelques listes régionales…) s’affrontent, avec des leaders qui multiplient les déplacements. La campagne s’est récemment durcie, signe d’une tension croissante dans les états-majors. Le rendez-vous en tout cas est décisif pour la médecine libérale car les enjeux sont nationaux et régionaux, professionnels et politiques.
• Qui sont les plus forts en 2010 ? Qui gagne dans le collège plateaux techniques ? Qui sera représentatif ?
En médecine libérale, les élections professionnelles sont un baromètre d’audience syndicale jugé fiable compte tenu du taux très correct de participation pour ce genre de scrutin. « Ce sera avant tout un test national », convient le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). En 2006, près d’un praticien sur deux avait voté. L’intérêt est encore plus vif cette fois puisque, aux deux anciennes sections (généralistes et spécialistes), est venu s’ajouter un collège « anesthésistes, obstétriciens, chirurgiens » (AOC), à la demande du législateur.Pour y voter, l’activité chirurgicale, anesthésique ou obstétricale doit atteindre 50 actes par an. Un des principaux enjeux sera la hiérarchie établie dans ce nouveau collège des plateaux techniques. Le syndicat Le Bloc, union des anesthésistes libéraux de l’AAL, des gynécologues-obstétriciens du SYNGOF et des chirurgiens de l’UCDF, espère damer le pion des centrales polycatégorielles « historiques », en faisant campagne sur des thématiques spécifiques aux équipes opératoires (nomenclature, secteurs d’exercice, RCP, relations avec les cliniques…). « On va se compter, se réjouit le Dr Philippe Cuq, au nom du Bloc. Nous pensons représenter la majorité des acteurs des équipes chirurgicales. »
Les résultats revêtent d’autant plus d’importance que l’audience mesurée aux élections est désormais un critère déterminant de l’enquête de représentativité syndicale qui suivra les élections (avec un seuil exigé de 10 % des suffrages exprimés au niveau national, pondéré selon les collèges).
• Quelle majorité pour quelle convention ? Quelles priorités d’ici à 2012 ?
Même si le gouvernement et la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne le disent pas, les résultats orienteront la future ligne politique et conventionnelle. De fait, la CNAM ouvrira rapidement les négociations avec les syndicats reconnus représentatifs pour conclure une nouvelle convention pour cinq ans. Il faudra s’appuyer sur les vainqueurs, ou dégager des alliances. « C’est la dernière élection qui compte pour nous avant 2012 », confie un leader syndical.
Dans ce contexte, les syndicats ont affûté leurs arguments et leurs programmes (1) tout en se renvoyant la balle des échecs récents. Fer de lance du mouvement des généralistes en colère, MG-France appelle les médecins de famille à « sanctionner les responsables de la convention de 2005 » qui, selon le syndicat, a « creusé » les inégalités entre cliniciens et techniciens, marginalisé la médecine générale et désorganisé l’accès aux soins. La CSMF fait campagne sur le thème « stop ou encore » en stigmatisant ceux qui ont soutenu, peu ou prou, la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). « Veut-on continuer sur la voie de la démolition de l’exercice libéral ? »,s’ interroge le Dr Chassang. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) défend un projet de « sauvegarde » de la médecine libérale. « Il y a un combat de fond dans ces élections, argumente le président Christian Jeambrun. Si le schéma gagnant, c’est le médecin généraliste de premier recours trieur de patients au service de l’ARS [agence régionale de santé], dont acte ! Mais la profession sera très mal… ». La Fédération des médecins de France (FMF) n’est pas en reste avec son projet 2010/2015 « de la fac à la CARMF » visant lui aussi à... sauver la médecine libérale.
Pour certains, le scrutin permettra de prendre date, au mieux de créer la suprise. Union Collégiale (UC), présidée par le Dr Meyer Sabbah, prétend porter la voix des 15 000 médecins « MOST » à spécificité thérapeutique (homéopathes, mésothérapeutes, acupuncteurs, phytothérapeutes, osthéopathes…), qui se sentent marginalisés dans le système de soins. « Depuis notre création, tous les syndicats caressent les MOST dans le sens du poil, observe le Dr Sabbah avec gourmandise. Si tout ça permet de servir nos revendications, tant mieux ! » De son côté, Le Bloc affirme que les centrales polycatégorielles ont échoué dans la représentation des spécialistes de plateaux techniques lourds. « Depuis 20 ans, on assiste à un massacre du bloc opératoire. L’obstétrique libérale est en perte de vitesse, les anesthésistes ne s’installent plus, la chirurgie libérale perd des parts de marché. La CCAM technique est un échec. Ce vote est un message de reconquête. »
• Dans les régions, qui représentera les médecins… face aux ARS ?
Si l’enjeu régional n’est guère mis en avant, il reste essentiel. Les unions régionales des médecins libéraux (URML, que les URPS remplacent) ont des bilans à défendre. Au sein des nouvelles unions, les assemblées « médecins » devront non seulement s’organiser pour porter des projets régionaux solides mais aussi défendre les intérêts des médecins libéraux face aux directeurs d’ARS dont le champ de compétence couvre la médecine de ville. Permanence des soins, continuité des soins, protocoles, coopération… : les URPS devront contractualiser avec les ARS sur de nombreux sujets. « Face à l’administration, les médecins doivent savoir à qui ils confient les clés de la maison libérale ! », prévient le Dr Chassang. « HPST a changé la donne, ajoute le Dr Jeambrun. Le SML joue la carte d’un syndicat de proximité, au service des médecins. » Pour les professionnels élus, Il faudra répondre rapidement au défi de la nouvelle organisation car la région sera un échelon important de décision en matière de pilotage sanitaire.
(1) « Le Quotidien » reviendra prochainement sur les programmes des différents syndicats en compétition.
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