Début juin 2024, un psychiatre exerçant à Millau organise une conférence de presse, en larmes. Le Dr Jean-Dominique Gonzalez, chef emblématique du secteur à l’hôpital de Millau, raconte que « [son] collègue a dû quitter le territoire français le 31 mai », et qu’il se retrouve quasi seul, simplement avec un autre médecin à diplôme étranger, pour suivre une population de près de 80 000 personnes.
De fait, il n’a pas pu empêcher le départ de son confrère, un jeune psychiatre tunisien exerçant depuis 18 mois dans son service, et qui a dû quitter son poste et la France en raison d’une mesure d’OQTF. Il était en France depuis deux ans… Son titre de séjour n’a pas été renouvelé en raison d’un imbroglio administratif, au prétexte qu’il n’avait pas pu s’inscrire dans les délais au concours de validation de ses diplômes.
Blocage du gouvernement
Cet exemple est cité par le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste, qui dénonce dans une tribune libre le 26 août « le scandale des Padhue ». Ce praticien accuse le gouvernement de « bloquer le décret de la loi Valletoux qui permettrait à de nombreux hôpitaux de pouvoir maintenir en poste des médecins qui, s’ils quittent leurs fonctions, entraîneront de nouvelles fermetures de lits et de services ».
En effet, ce décret devait permettre d’octroyer un contrat de praticien associé contractuel temporaire (Pact) à environ un millier de médecins à diplôme étranger hors UE n’ayant pas encore réussi l’examen d’évaluation des connaissances 2023 (dans l’attente de passer les EVC), et donc titulaires d’une autorisation d’exercice provisoire. Certes, ce PACT reste fragile mais a le mérite de donner une visibilité de deux ans à ces médecins. Ceux qui ont déjà réussi le concours sont inscrits de leur côté sur une liste d’attente et peuvent accéder en principe à un poste de praticien associé (PA), puis à un parcours de consolidation des compétences.
Résultat, selon le Dr Christian Guy-Coichard (UFMICT CGT), « beaucoup de Padhue voient encore leur autorisation d’exercer arriver à échéance ainsi que, pour certains d’entre eux, leur titre de séjour ». C’est ce qui est arrivé au psychiatre de Millau qui s’est vu refuser une nouvelle autorisation d’exercer par l’ARS. Pourtant, « les hôpitaux réclament à cor et à cri ces praticiens », souligne-t-il.
Une main d’œuvre bon marché
L’immobilisme du ministère de la Santé est aussi dénoncé par le Dr Abdelhalim Bensaïdi, vice-président de l’association IPADECC, qui refuse catégoriquement le Pact et réclame une évaluation sur dossier. « C’est l’hypocrisie du système qui fait travailler une main-d’œuvre pour pas cher », peste-t-il.
Autre incohérence soulignée par Amel, une jeune néphrologue cantonnée au statut de faisant fonction d’interne depuis plusieurs années : l’accompagnement des Padhue par des praticiens hospitaliers à plein temps. De fait, la mise en œuvre de cette obligation réglementaire s’avère parfois impossible sur le terrain, laissant certains Padhue aux manettes de services entiers, avec d’énormes responsabilités.
La DGOS (ministère de la Santé) n’a pas été en mesure de répondre aux sollicitations du Quotidien.
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