En Occitanie, région pourtant réputée pour son cadre de vie, les urgences ne sont pas épargnées par la crise. De Sète à Perpignan, de Figeac à Saint-Affrique, les petits hôpitaux isolés comme les établissements intermédiaires, qui connaissent une activité soutenue mais n’ont pas l’attrait des CHU, subissent presque tous le désamour des médecins. « Il manque 190 équivalents temps plein de médecins urgentistes sur l’ensemble de la région, résume le Dr Hervé Mourou, médecin coordinateur à l’Observatoire régional des urgences (ORU) Occitanie et praticien aux urgences de Carcassonne. Avec seulement 50 urgentistes diplômés chaque année – moitié à Toulouse et moitié à Montpellier –, il faudra plusieurs années pour combler ce manque. »
La clé des délégations
La situation est si préoccupante que l’observatoire régional y a consacré une journée le 13 octobre dernier à Toulouse. « Si les urgences ont, à peu près, tenu le coup l’été dernier, c’est notamment suite à la majoration exceptionnelle des heures supplémentaires, analyse l’urgentiste. Ça a visiblement joué, mais ce n’est, en aucun cas, une solution durable ». Autre effet salvateur, la régulation par la mise en place des services d’accès aux soins (SAS). Le nombre global de passages aux urgences a baissé de presque 15 % tandis que les appels au SAMU ont augmenté pratiquement dans les mêmes proportions. Parfois même beaucoup plus, comme au CH de Montauban (Tarn-et-Garonne). « Ici les généralistes se sont mobilisés et ont participé activement aux SAS, dit le Dr Mourou. Grâce à la régulation, la fréquentation des urgences a chuté de 50 % ».
Des solutions que le Dr Nicolas Longeaux, urgentiste, au CH Comminges Pyrénées de Saint-Gaudens souhaite voir se pérenniser. « Chez nous la régulation a fait baisser l’activité de 20 % et j’en rêve de manière permanente , avoue-t-il, Mais ce n’est pas, le seul changement à opérer aux urgences. Je rêve aussi d’avoir un assistant médical et de voir mettre en place de vraies délégations de tâches pour les infirmières. Car j’en suis persuadé, ces délégations professionnelles abouties permettraient de mieux soigner les gens et de remotiver les médecins. »
Faire évoluer le management
Le phénomène d’épuisement aux urgences, dans des contextes de manque de personnel, n’épargne pas les grands CHU. Illustration à Toulouse, qui a connu l’une des grèves les plus dures aux urgences, l’été dernier. « Le service des urgences a été entièrement rénové en 2015 et nous avons vu ensuite l’activité progresser de 12 % pour une organisation qui, elle n’avait pas été adaptée, car nous n’avions pas anticipé ce boom des fréquentations », analyse la Pr Sandrine Charpentier, présidente de l’ORU et cheffe de service des urgences au CHU de Toulouse.
Dans les mois qui ont suivi, 60 % des médecins et 80 % des paramédicaux ont démissionné et le service a connu des difficultés majeures de recrutement. Vidées de ses forces vives, les urgences toulousaines n’ont eu d’autre choix que de revoir complètement leur organisation et leur management. « Aujourd’hui nous mettons en avant l’équité entre les médecins, la bienveillance et la solidarité, pour retrouver la cohésion d’équipe », décrit le Dr Thibault Le Gourrierec, urgentiste au CHU de Toulouse.
À Narbonne les urgences en « mode kibboutz »
À deux heures de Toulouse, le service d’urgences de l’hôpital de Narbonne avance, lui, à contre-courant de toutes ces difficultés. Ici on comptabilise 47 000 passages annuels et le temps moyen d’attente est de 2 h 30. Autre singularité : sur les 31 médecins urgentistes, 22 travaillent à temps partiel. « Nous sommes des fous furieux du temps partiel évolutif car le métier est difficile et pour tenir il faut avoir la possibilité de faire d’autres choses à côté, résume le Dr Alain Peret, chef du service et président de la CME à l’hôpital de Narbonne. Par ailleurs, ici le maître mot c’est l’équité. Quand on est de garde, on est de garde : tout le monde fait tout et personne n’a un poste dédié. C’est la loi non écrite de notre service, qui fonctionne un peu en kibboutz et cela a fait ses preuves ! »
L’hôpital de bord de mer doit faire face en été à une hausse d’activité : de 120 à environ 190 passages par jour. « Mais grâce à la cohésion de l’équipe, nous y faisons face. Chaque membre majore son temps de travail d’environ une trentaine d’heures pendant cette période », précise le Dr Peret. Conséquence de ce management bienveillant ? Ici l’attractivité n’est pas un sujet. Quand il a besoin de recruter, le chef de service a le choix.
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