Le directeur général de l'AP-HP avait préféré attendre la fin des élections au sein de la fonction publique hospitalière avant d'envoyer hier mardi à l'ensemble des personnels du plus gros CHU de France son plan d'actions composé de « 30 leviers pour agir ». S'il considère que l'Assistance publique reste à ce jour attractive pour les médecins, Nicolas Revel concentre ses efforts sur les infirmières afin de pouvoir rouvrir au plus vite une partie de ses 2 000 lits actuellement fermés.
Le document adressé à la communauté hospitalière reprend très largement les pistes qu'il avait soumises à la concertation à la mi-septembre après trois mois de consultations tous azimuts. Un millier de contributions écrites sont ainsi remontées des services dessinant les priorités des personnels parmi les idées proposées par le directeur qui a ensuite interrogé les instances représentatives et les organisations syndicales de l'hôpital.
L'urgence de « recruter et de fidéliser » les personnels dans les métiers en tension est ainsi apparue très vite, en premier lieu les IDE mais également les manipulateurs radio, les sages-femmes, les préparateurs en pharmacie et les Ibode. C'est pourquoi l'ambition affichée de l'AP-HP est de recruter au moins 2 700 infirmières en 2023 et autant en 2024. Par comparaison, cette année, elle a compté 2 200 entrées pour 2 800 départs sur les 16 000 infirmières travaillant dans les hôpitaux de la capitale.
Pour y parvenir, l'institution parisienne prévoit de doubler les attributions de logements sociaux (de 600 à 1 200 par an) dans la capitale, d'octroyer de nouveaux avantages en nature ou encore de créer 600 postes techniques et administratifs qui auront vocation à « aider et soulager » les soignants. Des mesures qui auront un coût de 150 millions d'euros sur les deux prochaines années et autant en investissement dans les cinq années à venir.
228 millions d'euros de déficit
Si l'accent est mis sur le personnel paramédical, c'est aussi parce que les pénuries d'effectifs nuisent particulièrement à l'activité de l'hôpital qui a affiché en juillet une prévision de déficit pour 2022 de 228 millions d'euros. Un trou qui pourrait être, en petite partie, rebouché par l'enveloppe de compensation de l'inflation et des coûts liés au covid que le gouvernement a débloqué pour les hôpitaux lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l'automne.
Même si Nicolas Revel espère un retour à l'équilibre d'ici cinq ans, l'AP-HP sera confrontée comme tous les hôpitaux à la fin de la garantie de financement au 31 décembre dont les mécanismes de compensation promis par l'exécutif ne sont pas encore complètement définis. Sans attendre, le CHU mise sur une amélioration du codage des actes pour toucher « la juste rémunération » de son activité. Un intéressement des équipes aux progrès du codage est ainsi envisagé. Dans un tout autre domaine, les retours sur investissement des travaux de recherche des équipes devraient également bénéficier, à l'avenir, davantage directement aux services.
Toujours au niveau des services, qualifiés par Nicolas Revel récemment de « cellules vivantes de l'hôpital », la question du temps de travail va être centrale dans les prochains mois. Chez les paramédicaux, une partie des agents, notamment chez les plus jeunes aspire à un fonctionnement par tranches de 12 heures, un sujet sur lequel, faute de temps pendant la pandémie, très peu de services ont eu le temps de se pencher sérieusement. « Une élaboration autonome des plannings doit rapidement devenir ou redevenir la norme » promet le directeur général.
Décompte du temps de travail
Et s'agissant des médecins, l'AP-HP balaye également devant sa porte. Le déploiement d'un nouveau logiciel de décompte du temps de travail par demi-journée est un cours. La « chasse aux abus » sera également faite grâce à un engagement conjoint du trio de la gouvernance de l'hôpital composé du président de CME, du doyen et de la direction générale, promet l'entourage de Nicolas Revel.
Concrètement, d'ici à la fin de l'année 2023, « chaque projet de service devra être revu afin d'identifier les missions cliniques et non cliniques de chaque membre de l'équipe médicale et de décliner en regard une organisation médicale de service adaptée » peut-on lire dans le projet du directeur. De plus, l'entretien individuel annuel entre le chef de service et chacun des médecins sera désormais « formalisé et obligatoire » tandis que l'accès à la formation au management et à la gestion de projet sera développé. Des objectifs qui résonnent avec les recommandations du Pr Olivier Claris à qui le ministre de la Santé vient de demander de plancher à nouveau sur le management et la gouvernance hospitalière.
Enfin, les départements médico-universitaires (DMU), échelons intermédiaires entre les services et les groupements hospitalo-universitaires créés par son prédécesseur Martin Hirsch, ne sont pas supprimés mais Nicolas Revel souhaite que ceux-ci « gagnent en cohérence » et soient perçus comme « porteurs d'une véritable valeur ajoutée pour les services ». Un point d'avancement sur ce chantier est prévu au milieu de l'année prochaine.
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