QUOTIDIEN DES LECTEURS

“Syndicats félons "

Publié le 29/09/2011
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FONTENILLES (31)

Dr LOUIS-CLAUDE BENEYTO

Mais quel est ce deal ahurissant que les syndicats de médecins ont signé avec l’assurance-maladie ?

« Alors Docteur, cette prime de 9 100 euros par an, c’est un peu comme un treizième mois ? » combien de fois ai-je entendu ça ces derniers jours ? Sous entendu : « c’est sur notre dos que vous allez vous en mettre plein les poches… »

Et bien oui ma p’tite dame, avec la nouvelle convention, je vais vous vacciner de force contre la grippe, je vais augmenter votre traitement antidiabétique pour que votre Hb A1c soit inférieure à 7.5 % (tant pis pour les hypoglycémies), je vais ajouter une statine (tant pis pour les myalgies qui vous empêchent de marcher), je vais prescrire un sachet d’aspirine (tant pis pour votre ulcère) et on va doubler votre anti-hypertenseur (désolé pour les vertiges).

Ah, au fait, je vous ai dit pendant des années que les génériques ce n’est pas bien, car soit inefficace (-20 % d’efficacité tolérée) soit dangereux (+20 % d’efficacité tolérée), mais maintenant que je suis intéressé à la prescription, sachez que dorénavant, les génériques c’est magique !

Je propose que nous rajoutions sur la plaque d’entrée de nos cabinets médicaux : « Docteur en médecine générale spécialisé marchand de tapis ».

Incapables de négocier une quelconque revalorisation du C alors que nous devons traiter en moyenne deux à trois pathologies à chaque consultation, les syndicats de médecins qui ne savent plus quoi inventer pour revaloriser (pécuniairement) la profession, n’ont pas hésité à la dévaloriser moralement.

Honte à la CSMF, à MG-France et au SML pour avoir vendu notre âme au diable !

Bonjour le climat de suspicion qui va désormais accompagner la rédaction de chacune de nos ordonnances ! Personne n’empêchera le patient de penser que les motivations qui sous-tendent chacune de nos prescriptions seront de nature mercantile.

Jusqu’à présent, nous soignions nos patients au mieux de leur intérêt (médical). Maintenant il nous faudra choisir : rester fidèle à nos convictions et nous appauvrir faute de revalorisation du C ou soigner les patients au mieux de notre intérêt financier.

Peut-être chacun de nous devra trouver un compromis qui nous évitera d’une part d’être parjure à notre serment d’Hippocrate, et qui d’autre part nous permettra de revaloriser nos honoraires. Que chacun mette le curseur où bon lui semble pour être en paix avec sa conscience. 

Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le fait de tenir un dossier médical informatisé serait de nature à être primé. Mes dossiers médicaux papiers sont très bien tenus, me donnent entière satisfaction et ne sont pas moins performants pour assurer le suivi médical de mes patients.

Quel est le lobby informatique qui nourrit nos syndicats ?

Quant aux primes d’incitation versées aux médecins qui s’installent dans les déserts médicaux, pourquoi sont-elles deux fois plus élevées pour les médecins qui exercent au sein d’un groupe ? Je ne suis même pas sûr que les médecins qui ont choisi d’exercer seuls auront une quelconque prime. Pourquoi cette discrimination ? Les confrères qui s’installent seuls sont-ils moins méritants ? Soignent-ils moins bien leurs patients ? Ne font-ils pas des gardes comme les autres ?

Je serai content que l’on puisse me justifier cela sur un plan juridique !

Je suis très en colère et je donnerai dorénavant le montant de ma cotisation syndicale à une ONG qui œuvre pour le tiers monde.

La performance économique prime sur la qualité des soins

LES MOLIERES (91)

Dr JEAN HVOSTOFF

Une nouvelle médecine naît où l’on parle plus de résultats à la performance économique que d’éthique, de déontologie, de qualité des soins.

Le Ministre de la Santé a décidé, en accord avec la Cnam, de la politique de santé qui doit être menée en France. Il veut l’imposer en affirmant aux syndicats médicaux qu’il n’existe pas d’autre solution, et que c’est à eux de trouver les moyens d’y accéder sans offusquer les médecins. Pour réaliser ce projet la Cnam joue " le rôle du méchant " et le Ministre " le rôle du bon " en faisant des concessions sur les exigences dictatoriales de la Cnam.

Pour le gouvernement incapable d’apporter des recettes à la Sécurité sociale, le coupable tout désigné du déficit de celle-ci ne peut être que le médecin. D’où la politique de déconsidération des médecins vis-à-vis des Français :

•Le pharmacien correspondant doit pouvoir se substituer au médecin traitant, et pouvoir chez les malades chroniques renouveler le traitement et ajuster sa posologie s’il le juge nécessaire. Pour ceux qui nous gouvernent, les pharmaciens auraient-ils plus de compétences médicales que les médecins ?

•Il s’agit de rendre responsable les médecins des zones déficitaires médicalement (surtout dans les petites communes), puisqu’elles n’ont bénéficié que d’un apport net de l’ordre de 50 médecins en quatre ans, malgré la décision médiatique du gouvernement de majorer de 20 % les honoraires des médecins s’installant dans ces zones. Mais ce que le gouvernement et les médias omettent de dire, c’est que cette majoration a été refusée aux médecins qui voulaient s’installer individuellement dans une commune d’une zone désertifiée, seuls pouvaient en bénéficier les médecins installés en maison médicale ou cabinet de groupe. Cherchez l’erreur ? Dans la nouvelle convention, toujours la même politique défavorisant les petites communes,

•Le médecin étant par principe jugé incapable de prescrire correctement, le CAPI fut inventé par la Cnam en accord avec le gouvernement. Et ce dispositif qui ne fait absolument pas l’unanimité chez les généralistes, va être intégré grâce aux syndicats dans la convention médicale sous la forme d’un super-CAPI (avec une prime dont la valeur pécuniaire correspondra aux points obtenus). Ce super-Capi bloquera la revalorisation du tarif de la consultation et de la visite à domicile sur plusieurs années (dans l’attente de leurs disparitions ?). Le premier pas dans le système anglais si décrié avant par les syndicats médicaux (sauf MG-France) est fait.

Sur les 1 300 points du barème du super-Capi : 400 points sont dédiés à l’organisation du cabinet selon les exigences de la Cnam transférant ainsi sa charge de travail vers le médecin, 400 autres points pour la prescription des génériques. Pas pour le bienfait des patients, puisque la pureté de la molécule princeps chez le générique peut aller jusqu’à - 20 %, mais pour le bienfait du portefeuille des actionnaires des industries génériques.

Il ne reste que 500 points, sur les 1 300, pour la pratique médicale pure, c’est-à-dire le suivi des pathologies chroniques et sur la prévention et la santé publique.

Puisque les médecins seraient sous l’influence des laboratoires pharmaceutiques, ne doit-on pas supprimer les délégués médicaux de ces laboratoires qui apportent, à entendre le gouvernement et la Cnam, obligatoirement la mauvaise parole : prescription des nouveaux médicaments aux dépens des anciens, moins actifs mais tellement moins coûteux !

La formation médicale continue de qualité apportée au corps médical par ces mêmes laboratoires, depuis de longues années et appréciée par la majorité des médecins, ne doit-elle pas elle aussi être interdite aux dépens d’une FMC étatisée, « Cnamisée » afin de formater le corps médical a une médecine comptable pure.

Ne décourage-t-on pas dés l’entrée à la faculté de médecine les étudiants qui voudraient être médecin généraliste ? Ne les formate-t-on pas pour qu’ils exercent leur métier de médecin généraliste en groupe et non individuellement ?

La médecine anglaise (médecine purement comptable), qui était décriée par tous, sauf le syndicat médical MG-France et certains socialistes, devient maintenant à la mode, même la CSMF lui porte une certaine bienveillance. L’IGAS (inspection générale des affaires sociales) semble ne jurer que par elle, et paraît vouloir l’imposer.

Une nouvelle médecine purement comptable s’installe en France sans que les Français en soient informés. Les syndicats paraissent abdiquer, le Conseil de l’Ordre des Médecins semble se taire, les médias jouent la politique du gouvernement.

Idées sottes

PARIS

GERARD NOËT (BIOLOGISTE)

Le déficit abyssal de l’assurance-maladie ne cesse de se creuser et les solutions s’annoncent toujours les mêmes avec quelques originalités plus ou moins absconses.

Les professions de santé vont voir leurs honoraires baisser en euros constants et fiscalité inflationniste.

Pour la dernière originalité, elle est de taille, celle du professeur de chirurgie qui cumule ses fonctions de chirurgien, enseignant et député, toutes plein temps, je présume. Elle consiste à mieux rémunérer les consultations des médecins qui ne prescrivent ni médicaments ni examens radiologiques ou biologiques. Inutile de faire des commentaires dans ces colonnes lues par des médecins mais l’amendement, objet de cette idée absconse, pourrait être voté par des députés béotiens en médecine.

Deux idées sottes ont mis en piteux état la médecine française : l’application des 35 heures qui a augmenté mécaniquement la masse salariale des établissements de soins et de diagnostic de 20 % et pire encore, le numerus clausus, cause de la pénurie de médecins en France. Rappelons que le numerus clausus a été institué sur l’idée qu’en diminuant l’offre, on diminuait la demande et que moins de médecins égale moins de malade !

Tant que les politiciens, les gestionnaires de l’assurance-maladie, penseront que la santé est source de dépenses et non de recettes pour la France, nous aurons moins de médecins bien formés et la France plongera dans un désastre sanitaire. La santé est un secteur économique important, certes différant des autres, puisque la santé de l’homme et l’homme ne sont pas des marchandises. Nous devons former des médecins, maintenir la qualité des concours de l’internat, de l’agrégation, développer la recherche médicale, bio médicale et pharmaceutique, ouvrir nos universités à des étudiants venant de pays francophone dans le cadre d’une immigration choisie.

Le gouvernement français dépense des sommes d’argent colossales pour faire des guerres au nom de la liberté et des droits de l’homme mais pas pour développer le secteur de la santé et aider nos amis des pays francophones.

Il est vrai que le pétrole a des raisons que la raison ignore mais si nous n’avons pas de pétrole, nous avons des idées, nous avons une culture médicale de haut niveau, des ingénieurs, des chercheurs.

Le prochain président de la République fera-t-il ce pari d’investir dans la santé ?

La débâcle de l’Ordre des Infirmiers

PARIS

DANIEL MAROUDY

CADRE INFIRMIER

Incompétence technique, immaturité collective, ivresse du pouvoir… quelles explications donner à la débâcle du Conseil de l’Ordre national des infirmiers français ? Comment et pourquoi des femmes et des hommes porteurs d’un projet historique, sollicitant et engageant des centaines de milliers de personnes, avec de enjeux humains, moraux, sociaux, échouent aux premières heures de l’aventure ?

Le constat est lourd : déséquilibre budgétaire, erreur de gestion et de stratégie, gouvernance contestée, conflits d’intérêt, démissions…

Ces dysfonctions ne sont pas des aléas d’une courbe d’apprentissage. Ils sont révélateurs d’une réalité organique plus grave : l’incapacité du monde infirmier français à se définir, à se structurer, à se qualifier… Bref, à se constituer et à exister en tant que groupe professionnel. Le mal est profond.

Dans ce cumul d’infortunes il y a le déficit d’adhésions à l’Ordre. Pourquoi ?

Certes, il y a cet incessant travail de sape de certains professionnels et militants visant à torpiller le bien fondé de cette instance ordinale. De nombreux infirmiers s’y sont ralliés. Puis cet appel initial maladroit

à cotisation (75 euros). Dissuasif par son ampleur et dans son vécu symbolique. Mais plus en profondeur, l’audience de l’Ordre des infirmiers pâtit surtout d’une crise de valeurs de la profession.

Orphelines de repères, de sens et de savoir, les infirmières ont besoin d’un socle de valeurs communes, d’une assise scientifique pour promouvoir et valider leur pratique, d’une juste et honorable reconnaissance sociale.

À ces attentes aucun écho ordinal significatif ! L’Ordre national des infirmiers a été une espérance pour certains, une crainte ou un mal pour d’autres. Aujourd’hui il s’est exposé à la défiance de tous. Pour susciter ou restaurer l’adhésion, il doit proposer et incarner un nouvel idéal commun.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9014