Friture sur la ligne entre libéraux, SAMU et pompiers

Urgences : pas d'unité derrière le numéro unique

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Publié le 25/06/2018
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Le débat n'est pas neuf mais la question est à nouveau sous les feux de l'actualité. Depuis le décès de Naomi Musenga à Strasbourg après plusieurs appels au secours et des intervenants multiples (pompiers, SAMU puis SOS Médecins), le numéro unique est sur toutes les lèvres. Mais sous quelle forme ?

En octobre, Emmanuel Macron envisageait à la surprise générale, devant les pompiers, la mise en place d'un « 911 » centralisé à l'américaine pour gérer tous les secours. En mai, le député LREM Thomas Mesnier proposait – pour désengorger les urgences – de rassembler derrière l'unique « 15 » le traitement des urgences vitales et des demandes de soins non programmés par les libéraux, jetant aux oubliettes le 116 117 (de la médecine de ville). 

« Il existe en France 13 numéros d'urgence… On ne peut être que d'accord avec l'idée de réduire la voilure », concède le Dr François Braun. Le patron de SAMU-Urgences de France se dit plutôt favorable à l'instauration d'un numéro unique de santé en partenariat avec les médecins libéraux. Cette plateforme « santé » permettrait selon lui de réduire les transferts et les risques associés. Il exclut en revanche l'idée d'une fusion avec tous les autres secours.

Les libéraux attachés au 116 117

L'idée d'un vaste magma téléphonique irrite la médecine libérale. « On ne peut pas traiter la bobologie avec les urgences », tonne le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Même son de cloche du côté des unions régionales (URPS) pour lesquelles « un numéro unique conduirait immanquablement à reproduire et à amplifier (...) la situation que connaissent les urgences ». Pour le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, il est indispensable de maintenir un numéro pour les soins non programmés car cela participe de l'éducation de la population. « De la même façon qu'aux heures d'ouverture des cabinets médicaux on demande aux patients de contacter leur généraliste plutôt que d'aller aux urgences, aux heures de fermeture, ils doivent pouvoir appeler un médecin de garde. »

Les libéraux se rejoignent sur la nécessité de développer le 116 117, inscrit dans la loi de santé, mais non déployé. MG France affirme même le « caractère indispensable » de ce numéro national, « outil des libéraux de santé », en complémentarité d'un numéro pour les urgences vitales.

Vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF), le Dr Patrick Hertgen se range à l'idée d'un système articulé autour de deux numéros : le 112 réservé aux secours, qui regrouperait pompiers, police et SAMU ; et le 116 117 pour les demandes de soins non programmés. « Il faut maintenir une filière purement santé qui serait une porte directe vers la demande non programmée », admet le médecin pompier. Mais pour que cela fonctionne, il défend une plateforme unique de réception des appels car « la co-localisation facilite l'échange sans empêcher d'identifier les différents flux ».

Le Dr Pierre-Henry Juan, président de SOS Médecins, se veut pragmatique. Opposé à la création d'une plateforme unique de traitement des appels urgents, il préconise l'interconnexion entre les services existants. Chacun garde son numéro mais les transferts d'appels sont facilités – préservant l'identité et l'attractivité des médecins libéraux.

Pas si simple de réunir tous les acteurs. La ministre de la santé a promis « des décisions dans le courant de l'été ». 

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin: 9676