Deux ans après la démission de 1 000 chefs de service à l'appel du CIH, rien n'a changé pour un tiers d'entre eux et c'est même pire selon les autres

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Publié le 03/02/2022
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Crédit photo : Phanie

Le 14 janvier 2020, 1 000 chefs de service et de structures démissionnaient de leurs fonctions administratives, à l'appel du collectif inter-hôpitaux (CIH). Deux ans plus tard, un tiers d'entre eux estime que la situation n'a pas changé, les autres pensent que c'est même pire. C'est ce qui ressort d'une enquête par questionnaire menée par le collectif auprès de 487 démissionnaires issus d’une centaine d’hôpitaux.

On leur a en effet demandé de réagir à la proposition suivante : « la dégradation des conditions de travail des professionnels est telle qu’elle remet en question la qualité des soins et menace la sécurité des patients ». Pour 65 % d'entre eux, cette phrase est « plus que jamais d’actualité car la situation s’est aggravée ». De plus, 97 % des répondants estiment aussi que le Ségur n’a pas permis d’augmenter l’attractivité de l’hôpital pour les médecins. Enfin, l'activité de soins quotidienne est entravée pour 63 % des répondants par un manque de personnel médical et pour 75 % d'entre eux par une insuffisance de personnel infirmier.

Le Ségur qualifié de « simulacre de solutions »

Pour le Dr François Salachas, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière,le Ségur n’aurait été qu’un « simulacre de solutions » tandis que les mesures salariales « insuffisantes » seraient « non budgétées » et « dépendantes de l’activité T2A, impossible à atteindre dans les conditions actuelles de ressources humaines ». Le neurologue estime également que la parenthèse enchantée de la première vague a débouché sur une « désillusion » à l’origine de nombreux départs qui ont eu pour conséquences « des morts évitables, des retards de diagnostic et de traitement et une aggravation de la déshumanisation du soin ».

Pour sortir de cette impasse, le CIH a fait des propositions aux candidats à la présidentielle. Il demande tout d’abord que les établissements fixent des quotas de personnels nécessaires dans chaque unité de soin, en accord avec les responsables médicaux et paramédicaux des services. « Les absences doivent être systématiquement remplacées », selon le collectif qui exige de « recruter 120 % des effectifs cibles d’un service pour compenser arrêts de travail, congés maternité, formations ».

Une gouvernance partagée

Pour éviter la fuite des soignants, le CIH demande que les rémunérations des soignants soient « au moins égales à la moyenne des pays de l’OCDE » ainsi que la garantie de « conditions de travail en accord avec les valeurs des soignants ». Autres exigences : la revalorisation de la permanence des soins, mais aussi un plan de formation et d’attractivité pour recruter 100 000 infirmiers dans les années à venir, comme le demande la FHF. Pour cela, le CIH veut la création de nouveaux instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et l'augmentation du nombre de places.

Le collectif plaide aussi pour une gouvernance partagée, convaincu que « l’organisation interne de l’hôpital doit être décidée avec l’accord des équipes ». Tous les acteurs de l'hôpital (soignants, usagers, gestionnaires) doivent donc être associés aux décisions. Car, redonner de l’attractif pour les soignants, c’est avant tout « leur rendre la capacité à penser les soins au sein d’un collectif de travail structuré, formé, stable, sécurisant, avec l’appui des gestionnaires », a martelé la Dr Laurence Gembara, psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand.

Enfin, le CIH pense que la tarification à l’activité (T2A) doit être « limitée aux activités standardisées ou programmées uniformes ». Pour ces actes, elle est un outil adapté si le tarif est « réaliste », dans le sens où il refléterait le coût moyen de chacune de ces activités. Mais, selon la Dr Anca Nica, neurologue au CHU de Rennes, la tarification à l’activité devient « totalement inadaptée pour rendre compte des activités qui ne rentrent pas facilement dans des cases, comme la prise en charge des polypathologies chroniques et des cas complexes ». Elle demande donc que certaines activités soient financées par une dotation annuelle cogérée par les soignants et les gestionnaires qui évoluerait « en fonction de critères simples d’activité (file active, nombre de nouveaux patients, degré de gravité, niveau de précarité) ».

Enfin, le CIH a appelé les personnels hospitaliers à se joindre à la minute de silence hebdomadaire qui se tiendra, ce vendredi à 14 heures, devant plus d’une cinquantaine d’hôpitaux généraux et psychiatriques.


Source : lequotidiendumedecin.fr