LE QUOTIDIEN – La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) prend ombrage des dépassements d’honoraires abusifs. Qu’en pensent les médecins libéraux ?
DR JEAN HALLIGON – La situation a un air de déjà-vu. Les cliniques semblent gênées par les dépassements des médecins, au motif que cela diminuerait leur clientèle. C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas du ressort de la FHP de discuter du bien-fondé des dépassements. Les médecins libéraux ne sont pas les employés des cliniques. Les dépassements, c’est un problème conventionnel. Inversement, nous n’intervenons pas dans le financement des chambres particulières.
Parallèlement, la FHP ne répond pas à une question importante : comment aider les médecins à travailler ensemble pour qu’un établissement marche mieux ? Nos missions transversales, et notamment les CME, ne sont pas financées. L’exemple a pourtant été donné par Générale de santé et Vitalia. Ces deux groupes ont décidé de ne pas diaboliser le secteur II, tout en s’engageant à trouver une solution pour financer nos missions transversales. Plutôt que de se focaliser sur les honoraires, la FHP pourrait agir autrement. Mais elle ne le fait pas.
Le groupe Vitalia, depuis plusieurs années, demande à ses praticiens de réaliser une partie de leur activité en secteur I. Pourquoi les médecins ont-ils accepté cette décision prise hors du champ conventionnel, alors qu’ils s’opposent aujourd’hui aux propos de la FHP ?
L’initiative de Vitalia ne nous choque pas, c’est comme un secteur optionnel avant l’heure. D’accord pour faire un certain pourcentage d’actes en secteur I, à condition de conserver notre liberté tarifaire par ailleurs. Si on contraint la liberté d’honoraires sans contrepartie, et si, dans le même temps, nous conservons les contraintes liées à l’exercice libéral (le coût de l’assurance, le temps de travail…), cela ne fonctionnera pas, et des médecins libéraux fuiront vers le salariat. D’accord pour que la FHP soit informée dans le cadre des négociations conventionnelles, mais nous ne souhaitons pas sa participation.
Les CME des cliniques sont-elles en bonne voie pour acquérir leurs lettres de noblesse, grâce au décret en préparation ?
C’est au contraire mal parti. Les CME sont assaillies de missions de toute sorte, les charges s’accumulent, et il n’y a rien en face. Ni moyens humains, ni moyens logistiques, ni moyens financiers. Lorsqu’un médecin payé à l’acte réalise une tâche administrative pour la collectivité, il ne touche pas un centime. On nous demande de travailler plus pour gagner moins. La base exprime un ras-le-bol. Pourquoi, si la clinique tire un bénéfice de notre travail collectif, ne nous aide-t-elle pas ? Au plan technique, tout est prêt. Manque la volonté politique, tant du côté de la FHP que du côté des pouvoirs publics. Qui, peut-être, craignent de renouveler les erreurs commises à l’hôpital, et que la loi HPST essaye de corriger.
Aujourd’hui, seule la direction des cliniques signe les contrats d’objectifs et de moyens et les autorisations d’activité qui, pourtant, engagent la communauté médicale de l’établissement. Le projet de décret ne prévoit pas d’instaurer un avis conforme de la CME et de la direction. Êtes-vous déçu ?
La CME n’a pas de responsabilité aujourd’hui. Son avis n’est pas requis concernant les nouveaux médecins à recruter, l’organisation médicale de l’établissement, la permanence des soins. Obtenir un avis conforme serait logique, mais les établissements ne le souhaitent pas. Ceci étant dit, on imagine mal un directeur présenter un projet à l’ARS [agence régionale de santé, NDLR] en y joignant un avis négatif de sa CME.
La priorité reste l’obtention de moyens pour les CME. On ne va pas déclencher un mouvement de grève, mais on a les moyens de se faire entendre. Les présidents de CME pourraient jeter l’éponge. Les médecins libéraux pourraient refuser d’accueillir et de former les internes. Car cela nous fera une charge en plus. Et pour notre peau.
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