Parachutes dorés, actions gratuites...Haro sur l’argent fou

Et dans le secteur de la santé ?

Publié le 16/04/2009
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LE DÉBAT qui s’est installé depuis des semaines dans les médias du monde entier sur les rémunérations à la carte des grands patrons de la finance et de l’industrie épargne-t-il le monde de la santé ? Les salaires extravagants, les parachutes dorés, les retraites chapeaux, les bonus de bienvenue et les stock-options, dont on dit qu’ils sont monnaie courante chez les grands patrons des pays développés, prolifèrent-ils aussi dans les industries de santé hexagonales ? Pas facile de le savoir avec certitude, tant la culture latine diffère de l’anglo-saxonne en matière d’affichage des revenus. Autant les grands patrons anglo-saxons étalent sans problème l’étendue de leurs salaires et de leurs différents bonus, autant nous autres latins cultivons à tous les niveaux un goût prononcé pour la discrétion. C’est ainsi qu’alors que le PDG du laboratoire américain Wyeth laisse filtrer dans la presse le montant total de ses futures indemnités de départ (pas moins de 40 millions d’euros entre les stock-options, le cash, et le parachute doré qui figurent au bas de son contrat), aucune information ou presque ne filtre sur les pratiques en cours dans l’industrie pharmaceutique française. La presse s’est bien fait récemment l’écho des confortables indemnités de départ de tel patron d’un groupe pharmaceutique français de dimension internationale, mais il s’agit là de l’exception qui confirme la règle générale, qui reste celle de la discrétion. Mais cette discrétion cache-t-elle de coupables pratiques ?

Bonus homéopathiques.

Pas si sûr, compte tenu de la structure capitalistique de la grande majorité des labos français. Car même si bon nombre d’entre eux ont acquis une assise internationale, leurs dirigeants (et souvent fondateurs) ne sont pas issus du monde de la finance, comme c’est généralement le cas chez nos voisins, mais sont le plus souvent issus du monde de la santé (docteurs en pharmacie ou en médecine), et leur structure capitalistique est souvent restée à dominante familiale. Un responsable français de laboratoire pharmaceutique va même plus loin : « Les groupes pharmaceutiques français indépendants sont dirigés par des hommes et des femmes issus du monde de la santé. Ils ont investi dans leur entreprise pour atteindre une masse critique indispensable à leur survie et à leur recherche, mais ils n’en tirent pas pour autant d’avantages financiers, car ce n’est pas leur culture ». À condition toutefois de préciser que ces dirigeants, qui ont souvent fondé eux-mêmes leur entreprise, en sont généralement l’un des principaux actionnaires. À ce titre, s’ils ne touchent pas de parachutes dorés ni d’avantages spécifiques, la valeur de leur entreprise leur confère un patrimoine qu’ils ont certes bâti eux-mêmes, mais qui n’en est pas moins non négligeable. Un autre responsable d’industrie pharmaceutique indique sobrement qu’ « il n’y a pas dans ce secteur plus d’abus qu’ailleurs. Les responsables pourraient pourtant faire ce qu’ils veulent, car ces industries ne sont pas financées par de l’argent public et ils autofinancent leur recherche et développement ». Enfin, un dernier reconnaît, toujours sous couvert d’anonymat, que « s’il y a eu des abus dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres, ça n’arrivera plus. Il s’agit de pratiques d’un autre temps, qui ne seraient plus tolérées aujourd’hui ».

20 ans de retard.

Du côté des cliniques privées, hors les patrons des très gros groupes pour lesquels les usages – assez jalousement gardés – peuvent s’inspirer du modèle dominant, on peut distinguer deux types de « patrons »: les directeurs salariés, dont le statut s’inscrit dans une convention collective fixant notamment leur niveau de salaire ; les propriétaires PDG. Aux seconds ne s’appliquent pas de grille, pas de règles. Ils peuvent engranger une part des bénéfices de leur établissement et/ou un salaire. Encore aujourd’hui, ces patrons-propriétaires sont souvent des médecins et il s’en trouve qui, exerçant dans leur propre clinique, se contentent de leurs honoraires et ne se versent pas de salaire. Quant aux directeurs de cliniques des grands groupes, ils ne touchent pas d’émoluments « délirants », de l’avis de l’un d’entre eux, ceux-ci s’échelonnant « entre 4 000 et 7 000 euros par mois ». Notre témoin se souvient avoir parlé salaire avec un directeur d’hôpital tout étonné de découvrir que leurs traitements étaient semblables. Alors des parachutes et des bonus du côté des cliniques privées ? « Les groupes peuvent se permettre ça, les autres n’ont pas beaucoup d’argent… », commente, un brin cynique, l’économiste Jean de Kervasdoué. « Le management hospitalier est très peu structuré, regretterait presque pour sa part un directeur, le monde de la santé a vingt ans de retard par rapport aux autres entreprises ! »

 H.S.R. ET K.P.

Source : lequotidiendumedecin.fr