Il était une fois trois enfants, un grand, un moyen et un petit, qui regardaient un match de foot, derrière une barrière, chacun monté sur une caisse de bois. « Ce match est fantastique », s’exclama le premier, qui dépassait la barrière de deux têtes. « En effet », lui répondit le deuxième, qui dépassait la barrière d’une tête. « Je ne vois rien » chouina le dernier, dont la tête ne dépassait pas la barrière. Une égalité parfaite de moyen : chacun sa caisse de bois. Et pourtant, une inégalité de fait. Mais si le grand avait donné sa caisse au petit, les trois enfants auraient profité du match… Inégalité de moyen pour une égalité de fait. C’est l’équité.
Le secteur professionnel de la santé n’est pas épargné par les inégalités… de genre. « Ah ! Encore une féministe » pensez-vous ? Non… enfin si, car les chiffres, les études, les faits sont bien là. Ce n’est qu’en 1995, sous l’impulsion du Syndicat des Femmes Chirurgiens-Dentistes, que l’on reconnaît le droit au repos maternel et le doublement des prestations maternité, en d’autres termes un congé maternité pour toutes les femmes exerçant en profession libérale tous secteurs confondus !
On compte seulement douze directrices de CHU. Une source m’a expliqué pourquoi les femmes sorties de l’EHESP dirigent moins de 25 % des établissements. Leur carrière est moins linéaire, moins académique. Elles n’ont pas occupé les postes « à cocher » par l’administration pour accéder à la chefferie d’établissement. Elles ont pourtant développé d’autres compétences et pris d’autres responsabilités dans leurs vies personnelles et professionnelles ; responsabilités moins reconnues que celles d’un parcours fléché.
Un autre exemple criant : 64 % des médecins de l’AP-HP sont des femmes et pourtant elles ne représentent que 20 % des PU-PH (Enquête interne, 2020). La pyramide des âges n’est pas le grand responsable de ce problème, contrairement à ce que l’on pourrait penser. L’autocensure et la vie de famille, le sont. À compétences égales avec les hommes, les femmes osent moins candidater aux postes à responsabilité.
La maternité ne doit pas être un frein à la carrière
La vie de famille ? Plus compliquée. D’après une étude d’Action Praticiens Hôpital en 2019, 29 % des femmes médecins hospitaliers considèrent que leurs grossesses ont pénalisé leur carrière. L’équilibre carrière/vie de famille relève à la fois d’une volonté de l’employeur et d’une volonté familiale. Mais c’est bien à l’employeur et au manageur de veiller à ce que la maternité ne soit pas un frein à la carrière.
Alors, faut-il imposer des quotas à l’arrivée pour permettre une accessibilité aux postes à haute responsabilité pour les femmes ? Certains ont imposé la parité dans les CODIR et ont vu un impact positif immédiat sur la gestion de leur établissement, provenant notamment de la diversification des genres. D’autres proposent de ne pas valider un appel à candidatures s’il n’y a pas autant de candidates que de candidats, que le/la meilleur.e gagne à l’arrivée.
Tout cela est sans compter sur la perception, encore existante hélas, que les femmes ne sont pas « faites » pour occuper certains postes. On se croirait presque dans OSS 117, quand Hubert Bonisseur de La Bath s’exclame « on en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd », en réponse à une femme officier du Mossad qui lui propose de travailler « ensemble d’égale à égal ».
Quant à la représentativité des femmes dans la santé, le CSA a épinglé la Santé, pendant la crise Covid, dans une étude dédiée à la place des Femmes dans les médias audiovisuels : « Seuls 21 % des experts en santé présents à l'antenne sont des femmes. De surcroît, seuls 24 % des experts en santé invités en plateau et 15 % de ceux interrogés dans le cadre d'un reportage sont des femmes ». On peut également citer un forum santé innovation au printemps dernier : 32 intervenants, 3 femmes. En 2021 ! Et cela n’est hélas pas une exception. L’argument des organisateurs ? « Nous n’avons pas trouvé de femmes expertes ! » Allons, allons. Nous savons vous et moi qu’elles sont légion. Il existe d’ailleurs des listes d’expertes prêtes à intervenir sur les plateaux. Il serait normal, égalitaire, que les femmes soient reconnues pour leurs compétences et écoutées en tant que sachantes : elles représentent plus de 70 % du secteur médical !
Si s’afficher en tant qu’expertes reste encore compliqué pour bon nombre de femmes, elles ont légitimement besoin de reconnaissance. C’est sans doute la raison pour laquelle la campagne communautaire sur LinkedIn #jesuisuneexpertedelasante a tant de succès. Elle propose aux femmes de revendiquer leur statut d’experte, par une action collective positive, levant ainsi l’autocensure individuelle.
Pour permettre à tou.te.s de voir le match, il faut de l’équité dans les moyens. Et cette équité passe nécessairement par des actions de discrimination positive, qui doivent parfois, hélas, être imposées car nous sommes d’irréductibles Gaulois.
Exergue : Les femmes ont besoin de reconnaissance. C’est la raison pour laquelle la campagne communautaire sur LinkedIn #jesuisuneexpertedelasante a tant de succès
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