Gérard Vincent (FHF) : « Les hôpitaux qui ont un potentiel d’activité s’en sortent, les autres non »

Publié le 08/09/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN – Quelle analyse faites-vous de l’EPRD définitif de l’AP-HP ?

GÉRARD VINCENT – Je constate que ce budget tient compte du possible « non-dégel » de l’enveloppe MIGAC [dotation spécifique au financement des missions d’intérêt général des hôpitaux], bloquée en début d’exercice par les pouvoirs publics. Et que le déficit prévu est donc plus important que celui affiché il y a quelques mois.

Ce manque à gagner menace-t-il tous les hôpitaux ?

Au niveau national, 350 millions d’euros ont été ainsi gelés cette année. Or les directeurs d’hôpital n’ont pas arrêté leur EPRD en tablant sur ce gel. Si on fait l’hypothèse que le déficit de l’hôpital public reste constant en fin d’exercice par rapport à 2010, dans le cadre d’un ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie] à +2,8 %, il y aura 350 millions d’euros de déficit de plus au niveau national. Rappelons que le déficit cumulé des hôpitaux publics se serait établi à 428 millions d’euros en 2010 ; il s’agit du chiffre de la FHF, basé sur une enquête que nous avons menée dans tous les établissements [en 2009, ce même déficit cumulé atteignait 512 millions d’euros, NDLR].

Est-ce ce scénario mathématique que vous vérifiez sur le terrain ?

L’activité des hôpitaux est assez soutenue. Le dynamisme de l’hôpital public, déjà mesuré en 2010, ne se dément pas. Il continue de gagner des parts de marché. En chirurgie en particulier, hôpitaux publics et ESPIC [privés à but non lucratif, NDLR], qui cumulaient l’an dernier 46 % des parts de marché, en détiennent désormais 53 %. Il semblerait que l’on gagne en volume ce que l’on a perdu en tarifs. De fait, les hôpitaux n’ont pas tellement le choix. Ceux qui ont un potentiel d’activité s’en sortent, les autres non.

Lancée en mars, la campagne budgétaire 2011 se basait sur une hausse d’activité de 2,4 %. Les hôpitaux sont-ils sur ce rythme ?

On serait au-delà. Et partant, si la logique des pouvoirs publics prévaut, il n’est pas certain que l’enveloppe MIGAC soit dégelée. Ceux qui en souffriront le plus sont, je le répète, les établissements qui n’auront pas pu remonter leur activité.

L’AP-HP – et elle n’est pas la seule – utilise le levier de la réduction des effectifs pour maîtriser ses dépenses. Elle ne pourra pas l’actionner indéfiniment…

L’exercice a forcément des limites. Mais si l’AP-HP « rend » des emplois, c’est parce qu’elle est en déficit. Et si elle est en déficit, c’est parce qu’avec les mêmes tarifs, elle s’en sort moins bien que d’autres CHU. Sans doute a-t-elle un problème d’organisation même si, attention, celle-ci est extrêmement difficile à mettre d’équerre.

Les mécanismes que vous décrivez sont tous liés à la tarification à l’activité (T2A). Lui trouvez-vous plus de vertus que d’effets pervers ?

Jusqu’à présent, la T2A a boosté le service public, contribué fortement à redistribuer les moyens. Mais elle atteint ses limites parce que c’est un système inflationniste. Les tarifs ont baissé cette année parce que les pouvoirs publics ont fait l’hypothèse d’une hausse de l’activité. Le problème est que dans certains hôpitaux, il n’y a pas de raison que l’activité augmente. Pourtant, tout les pousse à cela. Voilà pourquoi il faut maintenant se pencher sur le sujet de la pertinence des actes et des séjours.

 PROPOS RECUEILLIS PAR K. P.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9000