Emplois du temps cloisonnés entre médecins et infirmières, congés posés sans aucune concertation, réflexes individualistes… Directeurs des soins, praticiens et personnels hospitaliers ont abordé, lors d'un colloque de l'ANAP à Paris, les délicats problèmes posés par la « désynchronisation » des professionnels de santé à l'hôpital, et les moyens d'y remédier.
Le constat est sans appel : une désynchronisation entre les membres de l'équipe médico-soignante est à l'origine de difficultés multiples dont l'attente accrue du patient, mais aussi des professionnels entre eux, sans oublier une communication déficiente des informations dont tout le monde pâtit (retard à la décision, à la prise en charge, etc.).
Lignes hiérarchiques différentes
« Dans cette grande machine qu'est l'hôpital, il y a une méconnaissance du travail de l'autre car les tâches ne sont pas écrites et les lignes hiérarchiques sont différentes entre les médicaux et les paramédicaux, analyse Stanislas Johanet, membre de l'ANAP et ancien praticien hospitalier à l'AP-HP. Cette désynchronisation se fait au détriment de la santé du patient puisqu'il y a des risques d’erreurs liées aux interruptions de tâches, au déficit de communication et au retard à la prise en charge. » La diversité des statuts et des exercices (monosite, multisite) dans les hôpitaux ne facilite pas la tâche.
À l'échelle de l'équipe, ce défaut de coordination engendre tension et désorganisation du travail, perte de la solidarité, stress professionnel, et parfois dévalorisation et démotivation. Le sujet est d'autant plus délicat qu'il est très difficile de se remettre soi-même en question.
Pour l'hôpital, ce dysfonctionnement peut représenter une vraie perte économique, notamment à cause de la désynchronisation des congés médicaux et non médicaux qui perturbe les équipes, conduit à des heures supplémentaires et à augmenter les dépenses d’intérim.
Une culture professionnelle à parfaire
Pour Anne-Marie Armanteras-de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS, ministère), « il faut introduire dans la formation des personnels la convergence du travail en équipe. Ce sujet concerne tout le monde, professionnels de santé comme patients, c'est pourquoi il doit intégrer la culture professionnelle. »
L'inclusion nécessaire du malade dans cette réflexion a été soulignée. « Le patient est la victime principale de cette désynchronisation, il est important qu'il soit associé, assure Valérie Chigot, directrice de Renaloo, association de patients atteints de maladies rénales. Par exemple, les questionnaires de bonnes pratiques doivent être faits avec les usagers car la non-coordination les fait souffrir. »
Du côté des équipes, le Dr Michel Schmitt, chef du pôle imagerie médicale au GH du Centre Alsace (Colmar) et expert judiciaire près la Cour d’appel, mise sur le dialogue permanent. « Il faut réfléchir ensemble, se poser et discuter : qu'est ce qu'un bon soin, un bon service ? Il faut ensuite décliner cette réflexion pour chaque agent, car chacun doit être valorisé, et afficher les enseignements dans les services. »
Roselyne Vasseur, chargée de la qualité des soins dans les EHPAD au centre d'action sociale de la ville de Paris, et Véronique Ghadi, chef de projet à la Haute autorité de santé (HAS) réclament une réflexion collective pour construire « les règles du travail ensemble ».
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