Hôpitaux déstabilisés, système ingérable et coûteux des RTT

La FHF brise le tabou des 35 heures

Publié le 22/09/2014
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Obsolètes, les accords locaux de RTT signés en 2002 dans les hôpitaux ? En réalité, une bonne partie ont déjà été réécrits. Près d’un hôpital sur deux (44 % des 152 établissements sondés par la FHF dans une enquête) a renégocié son protocole. Les directions jouent sur le nombre de RTT, la durée quotidienne du travail, mais aussi le temps de repas, le temps d’habillage. Non sans grogne sociale.

Ainsi le centre hospitalier Sud Francilien (Essonne) est-il passé de 18 à 15 jours de RTT en 2013. L’hôpital psychiatrique Paul Guiraud, à Villejuif, est passé de 8 heures à 7h36 par jour cet été, soit 9,5 jours de RTT en moins. À Montauban, chaque agent a perdu 2,6 RTT à la faveur du passage aux 37h30 dans les services de soins.

Situations hétérogènes

La FHF réclame une remise à plat, et met en avant l’hétérogénéité des situations. 4 % des hôpitaux offrent moins de 10 jours de RTT par an, 8 % en offrent plus de 20. Un hôpital sur deux inclut le temps de repas dans le temps de travail. 55 % ont réduit les temps de transmission à l’occasion du passage aux 35 heures. Un agent sur dix est concerné par un horaire dérogatoire en 12 heures.

Les 35 heures ont coûté cher, désorganisé les hôpitaux, mis les soignants sous tension, sans réduire la pénibilité et encore moins l’absentéisme des agents, diagnostique la FHF. Ce n’est pas le constat qui divise, mais les solutions. La FHF plaide pour une révision accélérée des protocoles locaux, avec redéfinition des horaires, instauration d’un plafond de 15 RTT maximum, fin des jours de congés extra-réglementaires – tel que le jour de rentrée des classes.

Les directeurs manquent de soutien

Certaines négociations locales accouchent dans la douleur – parfois d’ailleurs, le blocage est complet.

À Dieppe, la direction d’hôpital a subi les pressions du maire et de l’Agence régionale de santé pour que soient retirés les nouveaux plannings. Les tensions sont retombées après les élections municipales, et l’organisation testée sur un pôle est en cours de généralisation (7h30 de jour, fin de la polyvalence jour/nuit, temps de transmission réduit de 1h à 30 minutes).

Politiques et tutelles doivent soutenir les directeurs, et non les lâcher « dès les premiers signes de mécontentement », a insisté Frédéric Valletoux, le président de la FHF, lors de sa récente audition par une commission d’enquête parlementaire. « Au moment où on demande 5 milliards d’euros d’économies aux hôpitaux, il est important de poser la question du temps de travail et des organisations », a ajouté le maire UMP de Fontainebleau. Il est au diapason sur ce point avec le président du MEDEF, Pierre Gattaz, qui veut en finir avec le principe d’une durée légale imposée à tous.

L’AMUF consternée

L’Association des médecins urgentistes de France, « consternée » par les idées de la FHF, rappelle que « les médecins doivent faire 48 heures par semaine payées 39 ». Les créations de postes n’ont pas toutes vu le jour, les jours de RTT sont rarement pris, et les comptes épargne temps (CET) continuent de déborder (5,7 millions de jours stockés fin 2012). L’AMUF, opposée à ce « travaillez plus pour gagner moins », réclame une meilleure reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit et le respect de la directive européenne sur le temps de travail.

À titre de comparaison, l’Allemagne a calculé qu’il lui faudrait créer 27 000 postes médicaux pour appliquer à la lettre la directive sur le temps de travail. Soit une dépense supplémentaire de 1,7 milliard d’euros par an.

Deux autres syndicats critiquent avec virulence les propositions de la FHF. « Nous n’acceptons pas que, sous pressions budgétaires, les conditions de travail soient encore plus sacrifiées, alors qu’elles sont déjà déplorables », réagit la CGT santé, qui appelle à une mobilisation nationale le 16 octobre. « Le fond de l’affaire, c’est bien de mettre en œuvre le pacte de responsabilité dans les hôpitaux, en réalisant des économies sur les personnels », complète FO santé, qui demande l’ouverture d’une négociation sur la revalorisation salariale et les créations d’emplois.

Delphine Chardon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9350