Administration provisoire pour les hôpitaux déficitaires ?

La FHP sort les griffes, la FHF proteste

Publié le 31/01/2012
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Crédit photo : S TOUBON

LES FRANÇAIS pourraient recevoir de meilleurs soins « pour moins cher », affirme Jean-Loup Durousset, le président de la FHP. « Nos propos, prévient Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO, ne visent nullement à casser l’hôpital public. » Sur une trentaine de pages, pourtant, la FHP et la FHP-MCO éreintent sans ménagement l’hôpital public, ce « puits sans fond » qui a cumulé « plus de 120 milliards d’euros de déficit en 23 ans ».

Les pouvoirs publics sont épinglés pour leur extrême indulgence à l’égard de l’hôpital, sans cesse renfloué. La FHP et la FHP-MCO déploient leur argumentaire commun. L’hôpital empoche des tarifs 28 % plus élevés que ceux des cliniques, et la quasi-totalité des fonds MIGAC (qui financent les missions d’intérêt général et aident à la contractualisation), multipliés par deux en quelques années. L’hôpital est « plongé dans une culture du déficit, financé par la dette ». Une dette qui atteindrait 24 milliards d’euros, soit 1,2 % du PIB. Irresponsable, cette politique pénalise les cliniques condamnées à se restructurer sans cesse, assènent la FHP et la FHP-MCO. « Une clinique ferme tous les quinze jours », rappelle Lamine Gharbi.

L’organisation et le management des hôpitaux ? Autre zéro pointé. Tout y passe : l’absentéisme record (24 jours par agent et par an en moyenne), l’activité des blocs inconnue, le patrimoine immobilier nébuleux... Jean-Loup Durousset cite Claude Évin, ancien président de la FHF, qui avait identifié 147 hôpitaux faciles à restructurer. Cinq ans plus tard, rien n’a bougé, regrette-t-il. Gabegie, rallonges : les exemples s’enchaînent. L’ARS aurait annulé le déficit de 2,6 millions d’euros du CH du Blanc. Le CHU d’Amiens reste déficitaire malgré 40 millions d’aides sur deux ans. L’AP-HM aurait versé des primes d’intéressement irrégulières pour 1,4 million d’euros en 2010. « Avec une dette de 1,2 milliard d’euros pour un budget de fonctionnement quasiment identique, les hôpitaux de Marseille, c’est l’Italie », fustigent la FHP et la FHP-MCO.

Courte trêve.

Mi janvier, la FHP accueillait les dirigeants de la FHF dans ses murs pour ses vœux. Quelques jours plus tard, les mondanités sont évanouies. La FHP et la FHP-MCO demandent au gouvernement de placer les hôpitaux déficitaires sous administration provisoire ou de confier leur gestion au secteur privé. Elles réclament la publication des aides accordées dans le cadre des plans de retour à l’équilibre. Mise en place du secteur optionnel, redéfinition du rôle des ARS, remise à plat des délégations de tâche entre médecins et infirmiers, reprise de la convergence tarifaire, financement de la qualité, maintien de la concurrence public privé pour la formation des internes et la permanence des soins&: l’hospitalisation privée pose ses conditions pour remettre le système de santé sur de bons rails.

Face à un combat qu’elles jugent inégal, convaincues que les 2 000 directeurs de clinique pèsent bien peu face au million de fonctionnaires qu’emploie l’hôpital, et que leurs tarifs n’augmenteront pas d’un centime en 2012, les cliniques ont donc décidé de dégoupiller l’artillerie lourde. Quitte à radicaliser les positions de l’hôpital public. Quitte à faire perdre des voix à la droite.

Agacé par cette surenchère permanente, Xavier Bertrand voulait réunir autour d’une même table les quatre fédérations hospitalières (FHF, FHP, FEHAP, FNCLCC) en janvier. Sans succès : le dégel partiel de l’enveloppe MIGAC, passé pour un « cadeau » à l’hôpital à quatre mois d’élections nationales, a achevé de détériorer le climat déjà dégradé entre les secteurs hospitaliers public et privé. Au sein de l’UMP, on se garde de prendre parti. « La loi HPST a moins de deux ans, il faut lui laisser le temps d’entrer en application, explique Philippe Juvin, pilote du groupe de travail « santé » du futur candidat de la majorité. Cette guerre donne raison à notre approche. Il faut que les établissements coopèrent et s’organisent en plateforme comme à Melun. »

En coulisse, le lobbying ne faiblit pas. Tous les candidats à l’élection présidentielle sont favorables à la fin de la convergence, assure Gérard Vincent (FHF), satisfait que MG France ne se montre pas fermé à l’idée que l’hôpital se substitue à la médecine de ville dans les déserts médicaux. La FHP a rencontré le PS la semaine dernière, et sera bientôt reçue par l’entourage santé de Nicolas Sarkozy. Elle exigera des engagements clairs pour rétablir l’équité de traitement entre les deux secteurs.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9075