Un peu trop étatique, le plan santé d'Emmanuel Macron ? Après des réactions à chaud plutôt bienveillantes chez les libéraux, la plupart des syndicats de médecins de ville affichent leurs doutes, parfois leur méfiance. Réorganisation territoriale, rémunération, indépendance : tous fixent aujourd'hui les lignes jaunes à ne pas franchir (lire page 4).
Car la lecture politique du programme de transformation présenté le 18 septembre n'est pas si aisée, tant s'y exprime le « en même temps » macronien.
Sur le papier, « Ma Santé 2022 » affiche plusieurs objectifs difficiles à renier pour les praticiens libéraux : renforcer le premier échelon des soins de proximité, recentrer l'hôpital sur ses missions (recours spécialisé, plateaux techniques de pointe), décloisonner, libérer du temps médical, assouplir les modes d'exercice et les statuts, encourager la mixité des carrières, etc. La nécessité pour les groupements hospitaliers de territoire (GHT) de coopérer avec le secteur privé témoigne aussi de cette démarche d'ouverture.
Côté budget également, le signal positif donné aux « soins de ville » (avec un sous-objectif en progression de 2,5 % pour 2019), au détriment des établissements (+2,4 %), répond à une requête forte du secteur libéral, alors que les hôpitaux crient de leur côté à l'asphyxie financière.
Cahier des charges versus autonomie
Mais au-delà des têtes de chapitre, la méthode et les mesures proposées portent, aux yeux de beaucoup de libéraux, la marque d'une reprise en main toujours plus forte de l'État, de son bras armé en région (ARS) et de l'assurance-maladie.
Car la réorganisation territoriale à la sauce Macron n'est plus une option, plutôt un impératif. Le plan vise la marginalisation de l'exercice en solo dès 2022, notamment grâce aux financements priorisés vers ce « collectif de soins » qui s'appuiera sur un millier de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à la fin du quinquennat. Des CPTS inventées… par la loi santé de Marisol Touraine, qui seront désormais financées et soumises à un cahier des charges strict autour de « missions prioritaires ». Certains y voient un regroupement (physique ou virtuel) à marche forcée, une évolution vers un modèle unique d'exercice et donc une perte d'indépendance, même si le gouvernement s'en défend.
Quant aux futurs 600 hôpitaux de proximité labellisés comme tels, leur statut spécifique sera déterminé par voie législative. Jusqu'où ira l'ouverture promise vers le secteur libéral ? La question est posée.
Le rythme et l'ampleur de la refonte des rémunérations en ville est une autre source d'inquiétude. Outre la création palliative de 400 postes de généralistes salariés fléchés dans les territoires les plus fragiles, le plan pose des briques de financement forfaitaire : d'abord pour la prise en charge hospitalière du diabète et de l'insuffisance rénale chronique mais aussi, dès 2020, pour d'autres pathologies chroniques avant d'ouvrir cette démarche à la médecine de ville… Là encore, les syndicats s'inquiètent du futur dosage entre le paiement à l'acte et les autres rémunérations – sur objectifs, à la qualité, à l'épisode de soins, au parcours, etc.
Enfin, certaines nouveautés sont à double tranchant, entre soutien au secteur libéral et nouvelles contraintes. Ainsi en est-il des 4 000 postes d'assistants médicaux, une aide certes promise aux praticiens regroupés mais accompagnée de contreparties « mesurables », comme la prise en charge de nouveaux patients ou le raccourcissement des délais d'attente. Donnant-donnant...