« +0,3 %, c’est niet » : les grands groupes de cliniques furieux de la campagne tarifaire

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Publié le 28/03/2024
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Les patrons des géants du secteur privé lucratif (Elsan, Vivalto Santé, Ramsay Santé) ont décrété l’état d’urgence. Ils unissent leurs voix ce jeudi contre la décision du gouvernement de n’augmenter que de 0,3 % leurs tarifs dans le cadre de la campagne tarifaire 2024. Un écart de quatre points avec le secteur public, s’indignent-ils.

De gauche à droite : Pascal Roché (Ramsay Santé), Sébastien Proto (Elsan) et Daniel Caille (Vivalto)

De gauche à droite : Pascal Roché (Ramsay Santé), Sébastien Proto (Elsan) et Daniel Caille (Vivalto)
Crédit photo : capture écran vidéo conférence de presse du 28 mars 2024

Historique. « Unis dans la colère », les trois patrons des grands groupes de cliniques privées – Daniel Caille, président fondateur de Vivalto Santé, Sébastien Proto, président exécutif d’Elsan et Pascal Roché, directeur général de Ramsay Santé – ont organisé ce jeudi une conférence de presse commune pour protester contre la publication des tarifs hospitaliers 2024, dévoilés le 27 mars.

Alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) s’est réjouie de la hausse de 4,3 % dont bénéficieront les hôpitaux publics, le secteur privé lucratif n’a récolté qu’un maigre coup de pouce de 0,3 %. À titre de comparaison, en avril 2023, les tarifs de médecine chirurgie obstétrique (MCO, court séjour) avaient progressé de 7,1 % pour les hôpitaux publics, de 6,7 % dans le privé non lucratif et de 5,4 % pour les cliniques.

Asphyxie

Les mots des patrons des groupes de cliniques sont forts. « C’est un point de bascule qui va impacter la santé des Français. On est en train de nous asphyxier », avance Pascal Roché (Ramsay Santé) qui se plaint aussi de la méthode, ayant été informé par la presse. Daniel Caille (Vivalto Santé) surenchérit : « Nous avions accepté des règles qui sont en train d’être détruites dans leur fondement. » Et Sébastien Proto (Elsan) d’ajouter que « des milliers de médecins libéraux sont stupéfaits, sidérés et n’en peuvent plus de ce mépris. » Les patrons assurent d’ailleurs que les praticiens des cliniques partagent leur indignation face à ces arbitrages.

Le privé lucratif espérait au minimum une augmentation de 3,5 % de ses tarifs facturés à l’Assurance-maladie. Soit dix fois plus que ce qui a été obtenu, d’où l’effet de sidération et de colère. Source d’exaspération supplémentaire, le privé lucratif a récolté une augmentation deux fois inférieure à celle du public pour le soutien des activités les plus en difficulté : médecine, soins palliatifs, maternité, pédiatrie (soit +3 points contre +6 points). Sébastien Proto exprime le sentiment d’être pris en étau, avec une absence de marges pour continuer d’exercer : « 90 % de nos revenus sont décidés par les tarifs », insiste-t-il.

Pénalisés par l’activité

Pour justifier les écarts d’évolution tarifaire entre public et privé, le ministre délégué chargé de la Santé Frédéric Valletoux a invoqué la croissance élevée de l’activité du privé, d’où une plus forte régulation. Une méthode que contestent vivement les patrons des groupes. « Si on a fait plus que prévu, à quoi donc cette activité a servi, sinon à compenser la faiblesse de l’activité du public ? », interpelle Sébastien Proto. Daniel Caille enfonce le clou : « Nous avons repris des dizaines d’établissements dans les territoires et les avons portés à bout de bras, établissements qui aujourd’hui ne sont plus en mesure de faire face à leurs coûts. » Pascal Roché calcule que « l’inflation n’a pas été compensée, nous travaillons à perte. 20 % des établissements les plus dynamiques voient leurs résultats s’effondrer.  »

Remonté, le privé lucratif craint aujourd’hui une nouvelle baisse des capacités hospitalières. Or, sans le privé, avancent ses représentants, au lieu des 3,5 millions de séjours non réalisés après la crise sanitaire, il y aurait eu 4 millions de patients non pris en charge. Même carence pour la chirurgie du cancer du sein qui aurait laissé de côté 8 000 femmes sans les cliniques. Le risque de restructurations et de fermetures d’activité est aussi évoqué. Alors qu’ils reçoivent trois millions de passages par an, 73 % des services d’urgence du privé pourraient se retrouver en situation déficitaire. Enfin, le secteur – qui investit un milliard d’euros par an – risque de perdre de sa capacité d’innovation.

« Les patients vont payer les pots cassés »

Dr Olivier Jourdain, gynécologue-obstétricien dans un établissement Elsan à Bordeaux

Les représentants du privé font valoir enfin qu’ils sont parfois l’unique recours dans les déserts médicaux et – contrairement aux idées reçues – contribuent largement à la prise en charge de patients précaires, comme l’a illustré un rapport de la Cour des comptes. Selon le Dr Olivier Jourdain, obstétricien dans un établissement du groupe Elsan à Bordeaux, présent à la conférence de presse après une nuit de garde, « les patients vont payer les pots cassés et les listes d’attente vont encore se prolonger ». Autant de raison pour lesquelles les patrons du privé lucratif demandent à ce que « le gouvernement revoie sa copie ».


Source : lequotidiendumedecin.fr