Deux ans après le scandale d’Orpea (qui vient de changer de nom) et en réaction à une émission diffusée la veille sur M6 sur les défaillances de l’État dans le secteur du handicap, le ministère des Personnes âgées et des Personnes handicapées a rapidement pris la parole sur le sujet, lundi 25 mars, pour étouffer dans l’œuf toute polémique.
« Certaines images [du reportage, NDLR] sont révoltantes/choquantes. Le ministère condamne tout acte de maltraitance, le cas échéant », a communiqué au petit matin l’entourage de la ministre Fadila Khattabi, qui a fait part de son souhaite de recevoir les familles concernées pour « trouver des solutions ».
Dix inspecteurs recrutés en plus seulement
La précipitation du ministère montre le côté inflammable de tous les sujets qui touchent à la maltraitance en établissements de santé et médico-sociaux. À la suite de l’affaire Orpea, le gouvernement avait annoncé des contrôles dans les 7 500 Ehpad publics, privés et associatifs existants. La moitié des établissements a été effectivement inspectée. Le gouvernement s’engage à finaliser l’ensemble des contrôles avant la fin de l’année.
Concernant les établissements médico-sociaux, l’objectif de l’exécutif est d’accélérer cette année pour être prêt à partir de 2025 à contrôler l’ensemble des établissements accueillant des personnes handicapées, soit 9 200 instituts médico-éducatifs, foyers d’accueil médicalisés, maisons d’accueil spécialisés et établissements et service d’aide par le travail (Esat). Ces contrôles doivent aboutir d’ici à 2030, a précisé le ministère à l’AFP.
D’ici la fin du premier semestre 2024, une circulaire fixant les orientations de contrôle sera diffusée à l’ensemble des agences régionales de santé. Selon Franceinfo, dix postes d’inspecteurs supplémentaires seront créés, en plus des 120 emplois déjà recrutés pour les Ehpad. Un renfort qui semble dérisoire.
Ce nouveau volet s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale contre les violences et négligences à domicile et dans les établissements médico-sociaux dédiée en priorité aux adultes âgés ou handicapés dépendants qui devait être publiée en janvier 2024, mais qui a été reportée à cause du dernier remaniement.
Quels sont les nouveaux dispositifs ? Comme le prévoit la proposition de loi « bien-vieillir », une cellule chargée du recueil, du suivi et du traitement des signalements de maltraitance sera mise en place dans chaque département. Cette instance « constituera un point d’entrée unique pour que toute personne puisse faire connaître facilement une situation à risque », a expliqué Fadila Khattabi dans son discours de présentation de cette stratégie aux grands acteurs du secteur, le 25 mars. Elle sera spécifiquement destinée aux adultes vulnérables en parallèle des « cellules de recueil des informations préoccupantes » déjà existantes pour l’enfance en danger. Elle pourra être saisie par des professionnels témoins de mauvais traitements, mais aussi par les proches d’un résident ou d’un patient hospitalisé. Un bilan sera réalisé chaque année de la réponse apportée aux maltraitances par un échange au sein de la commission régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA).
Des lanceurs d’alerte protégés par le secret professionnel
Les soignants, en particulier les médecins, pourront signaler des cas de maltraitance sans risque de sanction disciplinaire. Sont concernés aussi les autres acteurs professionnels comme les mandataires judiciaires, les banquiers, etc, par exemple pour signaler des mouvements de fonds suspects. À cette fin, selon la ministre, seront mises en place des « dispositions juridiques aménageant les obligations de secret professionnel, afin de permettre à différents professionnels d’alerter sur des situations à risque, mettant fin à des dilemmes éthiques auxquels ils étaient parfois confrontés ».
Dans ce cadre, pour sensibiliser les acteurs du médico-social à l’importance du signalement des délits, il sera fait appel aux forces de l’ordre. Cette mesure fera partie aussi des formations initiales et continues des professionnels. La vigilance sera portée également sur la généralisation du contrôle des antécédents judiciaires des intervenants, professionnels, mais aussi bénévoles qui interviennent auprès des personnes âgées ou en situation de handicap.
Nouvelle plateforme téléphonique
Un des outils qui devrait être installé pour 2025 prévoit de développer une plateforme téléphonique et multicanale dédiée au signalement des maltraitances, reliée à la cellule de recueil et de traitement des signalements, « pour que les personnes puissent toujours alerter par téléphone de manière anonyme si elles le souhaitent ». Cela va dans la droite ligne d’« un numéro national unique dédié au signalement de faits de maltraitance envers les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ». Les faits signalés seront directement transmis à la cellule départementale, chargée de leur évaluation et de leur traitement. Le 119 restera le numéro d'urgence dédié aux victimes mineures.
Cette stratégie représentera un investissement annuel d’environ 15 millions d’euros par l’État. Précision du ministère, « il s’agit majoritairement de ressources mobilisées en continu et donc chaque année ». Pas forcément de quoi rassurer les acteurs de la dépendance si ces budgets ne sont pas inscrits dans le marbre pour les années à venir.
Ce que l’on sait du vol de données de santé de plus de 750 000 patients d’un établissement francilien
L’Igas veut inciter tous les hôpitaux à déployer des actions de prévention primaire
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens