Hôpitaux publics et cliniques privées savent désormais à quelle sauce ils seront mangés cette année : la fameuse campagne tarifaire – qui détaille chaque année au printemps les prix facturés à l’Assurance-maladie par les établissements de santé – a livré son verdict avec plusieurs semaines de retard (une habitude alors que les tarifs sont attendus début mars).
Le gouvernement a ainsi dévoilé mardi, en début de soirée, des tarifs hospitaliers 2024 « en hausse pour tous les secteurs », et ce, affirme-t-il, « afin d’accompagner la reprise de l’activité et la réponse aux besoins de santé des Français ». L’exécutif revendique d’avoir fait le choix « de soutenir fortement les établissements de santé ».
+4,3 % pour les activités MCO du secteur public
Concrètement, pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), « sous réserve des ultimes ajustements techniques », cette augmentation sera de 4,3 % pour les hôpitaux publics et le privé non lucratif et de seulement 0,3 % pour les établissements du secteur privé lucratif.
Interrogé sur cet écart, Frédéric Valletoux précise dans un entretien paru sur le site des Échos que le secteur privé a connu une forte dynamique ces dernières années. « Cela explique que ses tarifs augmentent moins vite car la régulation des tarifs dépend aussi des volumes d'activité, argumente le ministre délégué chargé de la Santé. La croissance de l'activité du privé est forte et va logiquement soutenir les résultats financiers des établissements privés ». Il fait valoir aussi que le privé a bénéficié d'une partie de l'aide exceptionnelle de 500 millions débloquée en début d'année par le gouvernement pour accompagner les établissements face à leurs besoins de trésorerie.
Ces tarifs, explique-t-on à Ségur, sont la traduction de la hausse – limitée – de 3,2 % de l’Ondam des établissements de santé [sous-objectif des dépenses maladie dévolu au secteur hospitalier] prévue dans la loi de financement de la Sécu pour 2024. Ces crédits représentent en tout une augmentation de 3,2 milliards d’euros des ressources des établissements. Pour le gouvernement toujours, cette évolution à la hausse reflète le soutien à la reprise de l’activité des établissements (encore fragile) mais aussi – surtout – la « normalisation progressive du financement post-crise sanitaire », autrement dit la fin du « quoi qu’il en coûte ».
Soutien marqué à la pédiatrie, aux greffes et aux soins palliatifs
À travers cette campagne tarifaire, le gouvernement précise qu’il entend accorder un soutien plus marqué à certaines activités – médecine (430 000 séjours ont été non réalisés en 2023), pédiatrie mais aussi maternité, greffes et soins palliatifs.
Par ailleurs, l’exécutif indique que le mécanisme de « sécurisation des recettes » (issu de la période du Covid) sera à nouveau prolongé cette année afin de protéger les établissements les plus fragiles. Mais en cohérence avec la normalisation budgétaire précitée, le niveau de la sécurisation sera limité à « 50 % des recettes historiques » des établissements (contre 70 % en 2023). Le coefficient prudentiel (crédits mis en réserve) reste quant à lui fixé à 0,7 % du tarif des séjours, comme en 2023.
Enfin, cette hausse des tarifs concerne aussi l’hospitalisation à domicile (HAD), notamment pour y développer les prises en charge de soins palliatifs. Les soins médicaux et de réadaptation (SMR) et la psychiatrie auront également des ressources en croissance. L’évolution des financements alloués aux activités de psychiatrie s’élève à près de 400 millions d’euros.
Loin du compte ?
Cette augmentation des tarifs hospitaliers doit enfin permettre de financer près d’un milliard d’euros de revalorisations salariales pour les professionnels des hôpitaux, assure le ministère.
Ces arbitrages budgétaires risquent d’être jugés de façon variable par les différents secteurs. La FHF préfère voir le verre à moitié plein et salue des choix qui vont dans le bon sens (lire ci-dessous). Pourtant, l’évolution annoncée par le gouvernement est très en dessous des hausses d'environ « 10 % » dont les représentants des hôpitaux publics et des cliniques privées estimaient avoir besoin pour compenser l’inflation.
La semaine dernière, le front uni entre hôpitaux publics et privés avait éclaté. La conférence des CHU avait demandé au gouvernement de réévaluer plus fortement les tarifs de l'hospitalisation publique que ceux de l'hospitalisation privée, une requête jugée offensante par la fédération des cliniques…
Campagne tarifaire, la FHF se réjouit, la FHP en colère
La revalorisation de 4,3 % des tarifs pour le secteur public va dans le bon sens, selon la Fédération hospitalière de France (FHF). Selon son président Arnaud Robinet, « l’essentiel de la hausse tarifaire doit permettre de financer les mesures de soutien au pouvoir d’achat des agents publics (augmentation du point d’indice notamment) annoncées par le gouvernement en 2023 ». Autre motif de satisfaction pour le lobby hospitalier, la prise en compte par l’exécutif des spécialités en dette de santé publique comme la médecine (430 000 séjours non réalisés l’an passé), les greffes (en recul de 7,5 %) et la maternité. Les hausses des taux d’évolution des soins de rééducation (+3,5 %) et de la psychiatrie (+4 %) sont également accueillis comme un bon signal. Enfin, la FHF prend acte de la sécurisation des recettes des établissements qui passe de 70 % à 50 %. Elle réaffirme sa demande d’un protocole de pluriannualité des financements qui permettrait de poursuivre la hausse des tarifs en 2025.
« Les tarifs dévolus au secteur privé, sans tenir compte de l’inflation, sont hors sol et obèrent gravement notre capacité collective à accomplir nos missions de soin dans les mois qui viennent », a réagi vertement la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) très remontée qui évoque « un couperet ». En effet, la hausse des tarifs pour les cliniques privées n’est que de +0,3 % et relève du « coup de grâce ». Plus de 50 % des cliniques et hôpitaux privés (35 % de l'activité hospitalière en France) vont se retrouver en déficit. Pire, « avec ces tarifs différenciés entre public et privé », ces établissements vont subir « la double peine ». Cette « différenciation arbitraire témoigne d’une rupture consommée et assumée après une certaine cohérence de traitement entre public et privé lors de la crise du Covid ».
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