En juin, le groupe LIOT avait initialement prévu de déposer, lors de sa niche parlementaire à l’Assemblée nationale, plusieurs propositions de loi, dont celle sur la création d’un CHU en Corse, à l'initiative du député nationaliste et médecin, Paul-André Colombani. Même si le texte n'a pas été présenté, l'élu corse explique le sens de sa démarche qui a permis de prendre date.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi défendez-vous une proposition de loi visant à créer un CHU en Corse ?
Dr PAUL-ANDRÉ COLOMBANI : La Corse est la seule région de France à ne pas avoir de CHU. En outre mer, la construction d’un CHU, comme celui de Guyane, a été justifiée par l’éloignement avec la métropole. Mais quand il s’agit de la Corse, on nous dit : « Quand vous êtes malade, vous prenez un avion et vous êtes pris en charge à Marseille ». C’est en partie vrai mais, lors de la crise sanitaire, la solidarité nationale a atteint ses limites. Les Corses avaient la possibilité de prendre un avion pour être rapatriés en métropole. Sauf que les « réas » où les Corses étaient évacués étaient pleines !
La Corse est la région de métropole la moins dotée en lits de réanimation et donc la plus sensible à un risque de saturation de ses capacités de soins. Il faut ajouter le fait que 30 000 Corses se déplacent chaque année sur le continent pour se faire soigner. Or, les déplacements et les hébergements éventuels engendrent des coûts supplémentaires pour les familles. Je rappelle que le taux de pauvreté dans l’île culmine à 16,1 % en Corse-du-Sud et à 20,6 % en Haute-Corse. J’ajoute que 350 femmes corses ont chaque année un cancer du sein. Elles doivent avoir la possibilité de se faire soigner en Corse dignement.
Cette spécificité sanitaire de la Corse qu’implique une telle exclusion du maillage territorial d’établissements publics de santé de ressort régional est le marqueur d’une rupture du principe d’égalité. Elle constitue un frein indéniable à l’attractivité médicale de l’île, qui risque encore d’aggraver la dégradation de la qualité des soins auxquels ont accès les Corses.
La crise sanitaire a-t-elle été l’élément déclencheur de votre proposition de loi ?
Le Covid a accéléré les choses mais ce n’est pas la seule raison. Il faut aussi tenir compte de la démographie médicale en Corse qui souffre d’un manque manifeste de praticiens avec une densité de 258 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants, permettant ainsi de qualifier l’île de désert médical, renforcé par la faiblesse des structures hospitalières. À Paris, quand dix personnes dévissent leur plaque, cela ne se voit pas. Mais quand la même chose se produit en Corse, cela crée un sentiment de panique.
Et puis, quand vous savez que 60 à 70 % des internes s’installent autour de leur CHU de formation, vous comprenez que la Corse est très défavorisée. Les villes de Bastia et Ajaccio sont plutôt bien dotées en médecins mais le reste de l’île est un désert médical, avec des populations vieillissantes. Certes, les internes peuvent faire leur première année de médecine à la faculté de médecine de Corte mais ils continuent ensuite généralement leurs études sur le continent. Il faudrait installer un deuxième cycle d’études médicales à Corte.
Il faut aussi tenir compte de l’écart de salaire entre un CHU et un CH général, qui diminue l’attractivité de l’île. Les plans de carrière sont plus avantageux dans un CHU. Et si je suis jeune médecin et que j’hésite entre la Corse et Arles, je trouverai sans doute Arles plus attractive, avec davantage de services publics à proximité.
Quel est l'impact de la fréquentation touristique ?
Cette problématique estivale ajoute une couche de difficultés. Plus de trois millions de personnes viennent en Corse chaque année, sur une période concentrée de mai à septembre, avec une activité des urgences qui augmente fortement. La mise en œuvre de la loi Rist [encadrant l'intérim médical] a entraîné des difficultés supplémentaires car elle a mis les établissements hospitaliers sous tension. Nous sommes très inquiets à l’approche de l’été.
Pour toutes ces raisons, les deux objectifs qui sous‑tendent la demande de création d'un CHU en Corse sont l'amélioration de l’accès aux soins pour la majorité des services de médecine et de spécialités, conformément au principe d’égal accès aux soins pour tous, non‑appliqué aujourd’hui, et l’essor de l’enseignement et de la recherche, à travers le développement de services hospitalo‑universitaires.
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