Avec 280 000 salariés et plus 2,5 millions de personnes accompagnées et prises en charge chaque année, la place du secteur privé non lucratif « doit être véritablement reconnue dans notre société », a plaidé mercredi Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires), lors de l'ouverture de son congrès annuel à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Le secteur privé non lucratif se sent délaissé alors que ses établissements ont été au rendez-vous durant la crise sanitaire avec une solide capacité d'adaptation et des partenariats territoriaux. « Nous avons un modèle souple, réactif et innovant. Dans beaucoup de secteurs (soins palliatifs, handicap…), les innovations sont parties de la Fehap, simplement parce que c’est l’engagement de la société civile », souligne Marie-Sophie Desaulle.
Le gouvernement hospitalocentriste ?
Mais cet engagement et cette capacité d’innovation ne sont pas reconnus à leur juste valeur, martèle la présidente de la Fehap, qui critique l’hospitalocentrisme du gouvernement dans ses arbitrages « comme si les établissements publics étaient les plus en difficulté, et donc ceux qu’il faudrait aider le plus ». Selon elle, ce raisonnement qui privilégie le secteur public hospitalier est « contre-intuitif ». « Quand j’entends dire qu’on nous donne moins de moyens parce qu’on est plus souples et plus réactifs, j’aurais tendance à dire "Essayons de faire évoluer les établissements publics vers un modèle plus souple et réactif", bref, vers le nôtre ! »
Ce constat est en partie partagé par le Dr Thomas Mesnier, rapporteur général (LREM) du budget de la Sécu, bien conscient que « le système hospitalier est parfois trop centré sur le secteur public, qui est parfois un peu moins souple et moins agile » que le privé non lucratif et lucratif. Les établissements de la Fehap « ont cette agilité, c’est un atout considérable », estime le médecin urgentiste.
Revalos inéquitables
Pour améliorer le sort du secteur privé solidaire et sa capacité à recruter et fidéliser, encore faut-il restaurer son attractivité. Côté ressources d'abord, Marie-Sophie Desaulle défend une réforme du financement dans tous les secteurs (SSR, psychiatrie…), tenant compte de la « responsabilité populationnelle », concept également promu par la Fédération hospitalière de France (FHF). Elle milite aussi pour le développement de financements à la qualité, aux dépens de la tarification à l’activité, pour mieux répondre aux besoins de patients âgés, chroniques ou en situation de handicap.
La présidente de la Fehap n'oublie pas surtout l’épineuse question des rémunérations des personnels du secteur privé solidaire, et en particulier des revalorisations salariales jugées « inégales » par rapport au secteur public, problématique plusieurs fois évoquée. Depuis les accords du Ségur, elle « bataille pour que l’on retrouve le même niveau de revalorisation (...) dans le secteur du grand âge, du handicap et du travail social ». Et ne comprend pas, par exemple, que la question de l'évolution salariale des médecins coordonnateurs en Ehpad n’ait pas été réglée ; tout comme « il ne se passe pas grand-chose » pour les centres de santé « qui ont joué un rôle majeur durant la crise ».
Elle ne saisit pas non plus que, dans le secteur du handicap et du social, les soignants aient été revalorisés et non les éducateurs, alors que « ces professionnels travaillent dans les mêmes équipes ». Marie-Sophie Desaulle n’arrive pas à comprendre enfin que les premières mesures du Ségur aient revalorisé les personnels des Ehpad « et pas les personnels des services de soins à domicile », à l'heure du virage domiciliaire.
Dernier motif de mécontentement : le retard accumulé dans le versement des mesures du Ségur. Et Marie-Sophie Desaulle de souligner que « des établissements n’ont pas reçu le financement qui leur permettrait de couvrir la totalité des salaires et des charges. »
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