Gouvernance, projet médical, attractivité

Les GHT encore « au milieu du gué », estime l'IGAS

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Publié le 25/02/2020
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L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dresse un bilan en demi-teinte et très inégal du déploiement des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Dans tous les domaines, du chemin reste à parcourir pour atteindre les objectifs qu'avait fixés Marisol Touraine lors de leur création.

Crédit photo : TEK IMAGE/SPL/PHANIE

Quatre ans après la promulgation de la loi Touraine, où en est-on dans le déploiement des 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Dans un rapport de 300 pages, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dresse un bilan très contrasté de ces nouvelles structures.

Et pour cause, les objectifs initialement fixés par Marisol Touraine sont parfois loin d'être atteints. « Globalement, les GHT sont actuellement au milieu du gué avec des déploiements très inégaux. Certains apparaissent clairement en avance, convergeant vers un modèle intégratif, d’autres sont en retard [...], enfin une troisième catégorie, probablement la majorité, est en chantier », écrivent les inspecteurs.

Trop hospitalo et médico-centrés

Point de vue gouvernance, l'ex-ministre de la Santé avait promis en mars 2016, de veiller « à ce que les élus locaux soient étroitement associés à la mise en œuvre des GHT ». Or, selon l'IGAS et sur l'année 2018, près d'un quart des GHT n'a jamais réuni le comité territorial des élus locaux, instance consultative en charge « d’évaluer et de contrôler les actions mises en œuvre par le groupement pour garantir l'égalité d'accès à des soins sécurisés et de qualité sur l'ensemble du territoire ». Un constat similaire est fait pour les usagers. Les comités des usagers « trouvent difficilement leur place au niveau territorial », constate l'IGAS qui suggère, tout comme pour les élus, une meilleure intégration à la gouvernance aujourd'hui dominée par le comité stratégique et la commission médicale de groupement.

Concernant les projets médicaux partagés, adoptés en 2017, le rapport fait état de documents « complets et de qualité » bien que trop souvent « hospitalo et médico-centrés ». « Le projet médical doit impliquer les équipes médicales dans leur ensemble », souhaitait pourtant Marisol Touraine en 2016. Ce n'est que trop peu le cas aujourd'hui, constate l'IGAS. Dans un tiers des GHT, l'association avec l'hospitalisation à domicile (HAD) fait défaut, bien qu'obligatoire. En outre, les équipes paramédicales sont encore trop rarement associées à la rédaction des projets médicaux partagés malgré les recommandations en ce sens du ministère. Une enquête réalisée début 2017 par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) faisait état de seulement 22 GHT sur les 80 ayant répondu qui avaient choisi un document unique : le projet médico-soignant partagé (PMSP). Point positif : l’articulation avec la médecine de ville est prévue dans 99 des projets de GHT – seuls 18 groupements n’y font pas référence (sur 117 réponses). 

Vers un établissement unique ?

Côté mutualisation, l'IGAS pointe encore l'hétérogénéité des situations. Compte tenu des tensions démographiques, plus de deux tiers des GHT disposeraient d'une équipe médicale de territoire et « 37 GHT annoncent leur intention de créer de nouvelles équipes médicales de territoire pour des disciplines telles que la gériatrie, la médecine (interne ou polyvalente), les urgences ». Principalement alimentée par les postes d’assistants spécialistes régionaux à temps partagé, financés ou cofinancés par les ARS, la mutualisation, très dépendante des forces médicales en présence par GHT, « n’a pas permis de mesurer une réduction du recours à l’intérim », lit-on. La pénurie médicale a en revanche poussé 60 % des GHT à mutualiser les lignes de garde. Cette politique a débouché pour 31 GHT (22 % du total) sur un tableau commun de permanence médicale. 

Si le succès est au rendez-vous côté achats avec 80 % des GHT disposant d'une direction commune, la mutualisation des systèmes d'information (SI) pèche encore. 95 % des GHT ne disposent pas d'un SI patient commun à l'échelle du groupement en raison de l'absence d'interopérabiité des outils des différents établissements qui composent les GHT. De ce fait, la mutualisation des départements d'information médicale (DIM) sous la forme de « DIM de territoire » est encore embryonnaire, voire inexistante dans la majorité des cas.

Pour redynamiser les processus d'intégration des GHT, une solution de moyen terme est envisagée par l'IGAS. Elle consisterait en une fusion progressive des établissements en vue de la création d'un « établissement public territorial de santé » avec une personnalité morale unique. Ce scénario est néanmoins peu probable. Il avait été rejeté en 2016 lors des discussions autour de la loi Touraine et ferait face à une levée de boucliers des représentants des hôpitaux locaux et de proximité, (lire p. 9) attachés aux spécificités de leurs établissements.

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin