Encadrement des tarifs de l'intérim médical : la FHF réclame des réquisitions, les syndicats de PH redoutent une vague de départs

Par
Publié le 13/03/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : Burger/Phanie

À trois semaines de l’entrée en vigueur du plafonnement des rémunérations des praticiens intérimaires (article 33 de la loi Rist), à partir du 3 avril, les acteurs du monde hospitalier tirent la sonnette d’alarme, mais chacun dans leur registre.

Invité ce dimanche de France info, Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a réclamé ouvertement la possibilité pour les préfets de « réquisitionner les personnels le moment venu et notamment les intérimaires ». Cette solution permettrait, selon le maire de Reims, de pallier le « risque » de fermeture de services dans un « grand nombre de villes », en particulier les villes moyennes.

Aux urgences de Carpentras (Vaucluse) par exemple, la moitié des effectifs se composent d'intérimaires, rapporte « France Bleu ». Raison pour laquelle soignants, syndicats et élus du territoire craignent une fermeture la nuit. La FHF Grand Est monte elle aussi au créneau : 79 services seraient exposés à un risque de fermeture totale ou partielle dans la région… 

« 1,5 milliard d'euros » chaque année

C’est pour anticiper ce type de difficultés gravissimes qu’Arnaud Robinet a demandé aux agences régionales de santé (ARS) de « s’emparer pleinement du sujet ». Objectif : « localiser l’ensemble des établissements sujets à des difficultés », précise le président de la FHF qui soutient néanmoins l’application stricte de la loi Rist à partir du 3 avril. Le recours à l’intérim médical à l’hôpital coûte « 1,5 milliard d'euros » chaque année.

Mais dans un contexte de pénurie médicale généralisée, les syndicats de PH, de leur côté, mettent en avant le risque de déstabilisation accrue des équipes et des services, en cas de fuite des praticiens intérimaires.

Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare), pourtant favorable à l’application de la loi Rist, se demande ainsi si les économies réalisées par le plafonnement de l’intérim médical profiteront in fine aux soignants en place, dans un contexte où le gouvernement « économise sur le dos des praticiens ». D'où ses revendications sur le juste décompte horaire du travail de nuit (« 24 heures = 5 demi-journées »), l’octroi des quatre ans d’ancienneté aux PH nommés avant le 1er octobre 2020, la valorisation de la pénibilité… « Résoudre le problème de l’intérim, c’est résoudre le sujet de l’attractivité et des carrières médicales hospitalières », clame le Snphare. Si cette problématique n’est pas réglée, « l’hôpital continuera à se dépeupler de ses médecins et l’intérim gonflera », prévient-il.

Nouvelle vague de départs 

Le son de cloche est similaire du côté de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) qui craint une vague de départs des PH en poste. Ceux-ci sont « lassés de ne pas être considérés comme il se doit et épuisés de ne pouvoir faire leur métier en assurant la qualité et la sécurité des soins qu’ils doivent à leurs malades ».

Pour l’intersyndicale, l’application de la loi Rist risque de provoquer une « vague de fermetures d’unités de proximité », voire un « désastre sanitaire ». Une catastrophe qui pénalisera d'abord ceux qui restent. Ainsi, les établissements vont demander aux praticiens « d’annuler leurs congés, leurs formations et surtout de bien vouloir venir travailler encore plus que leurs obligations maximales de service de 48 heures hebdomadaires », redoute APH.

Ce sombre constat est partagé par l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui considère que des centaines de lignes de garde vont être fermées début avril, faute de médecins disponibles, ce qui permettra de fermer facilement « des centaines de structures ».

Pour le syndicat du Dr Patrick Pelloux, l’encadrement strict des tarifs de l’intérim aurait dû être accompagné par des mesures d’attractivité : valorisation des gardes des PH, octroi des quatre ans d’ancienneté, défiscalisation des gardes de nuit « comme l’a obtenu le monde libéral depuis 2008 », etc. « Au lieu de rendre attractif le statut de médecin hospitalier, ils ont préféré casser l’intérim en croyant que les médecins allaient préférer l’hôpital. C’est faux car il n’est plus attractif par rapport au privé ! », estime le syndicat, persuadé que le gouvernement « est en train de couler l’hôpital public ».


Source : lequotidiendumedecin.fr