Éditorial

Mobilisation générale

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Publié le 12/11/2021

« Il va falloir que le corps médical bouge ! » Lors de la dernière Université d’été de la CSMF, le Dr Joël Spiroux de Vendômois bousculait ainsi ses confrères. L'appel lancé par ce médecin environnementaliste visait à solliciter leur concours pour obtenir ici et maintenant l'interdiction des pesticides. On pourrait la transposer bientôt à la croisade qu'il convient d'amplifier contre les gaz à effet de serre.

Alors que s’achève ce vendredi la COP 26, l’urgence d’une mobilisation des personnels sanitaires dans la lutte contre le réchauffement climatique paraît en effet s’imposer. Et d’abord bien sûr parce qu’il est désormais prouvé que l’augmentation de température sur la planète nuit vraiment à la santé. Quoique pas complètement élucidée, l’origine du Covid et sa fulgurante propagation interrogent en soi sur la surexploitation d’une Terre qui ne tourne plus très rond. Et ce n’est pas le seul impact sanitaire du désastre écologique en cours. Juste avant la réunion de Glasgow, les experts du « Lancet Countdown » ont tiré le signal d’alarme. « Le réchauffement climatique pourrait effacer des décennies de progrès contre les maladies infectieuses » alertent-ils, évoquant la spectaculaire progression de la dengue, du paludisme et d’autres pathologies transmissibles. Les mêmes pointent du doigt le stress des populations déplacées ou l’écoanxiété chez les jeunes, un concept récent en passe de devenir la marque d’une génération. De son côté, l’OMS a saisi l’occasion de cette réunion au sommet pour exhorter les États à agir vite. « Le changement climatique est la plus importante menace qui ait jamais pesé sur la santé de l'humanité », s'alarme le Dr Diarmid Campbell-Lendrum dont le rapport érige la lutte contre la pollution en véritable impératif sanitaire.

Le monde des blouses blanches a encore d’autres raisons de battre le rappel. Car il lui faut à son tour balayer devant sa propre porte. Les hôpitaux sont à l’origine d'au moins 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ce qui est considérable… Selon une étude publiée fin 2017 dans «The Lancet», une intervention chirurgicale émettrait en effet plus de CO2 qu’un trajet Paris-Lyon en voiture… L’enquête du « Quotidien » montre que certains ont déjà relevé le gant, mais il y a du pain sur la planche pour décarboner le secteur.

Et puis, le corps médical doit aussi tenter de convaincre la population du péril climatique. Un Français sur dix pousse la porte d’un cabinet médical chaque mois. C’est beaucoup. Et l’occasion peut-être pour nos lecteurs de faire passer quelques messages. Il y a dans le climatoscepticisme, une forme de fake-news que les soignants se doivent de démasquer. Nos confrères allemands ou anglais se mobilisent déjà pour cette grande cause. Il est urgent de leur emboîter le pas.

Exergue :  Le monde de la santé doit aussi balayer devant sa porte pour décarboner le secteur

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin