Détection des maltraitances infantiles : une enquête révèle la grande variabilité des pratiques entre les hôpitaux européens

Par
Publié le 17/10/2022
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : Garo/Phanie

Les services d’urgence des hôpitaux européens ne sont pas tous outillés - ou leurs personnels pas tous formés et sensibilisés - à la détection des maltraitances et négligences subies par les enfants, révèle une enquête présentée au Congrès européen de médecine d'urgence Eusem 2022, qui se tient du 15 au 19 octobre à Berlin.

Menée par des chercheurs de l'hôpital pour enfants Erasmus MC Sophia à Rotterdam (Pays-Bas) auprès du personnel des services d'urgence de 148 hôpitaux dans 29 pays européens*, cette enquête met en évidence le manque de stratégie dédiée au repérage des violences infantiles ou à la formation des soignants.

« La maltraitance et la négligence ont des effets dévastateurs sur les enfants, les familles et la société, mais ils peuvent être très difficiles à repérer. Les enfants qui subissent des blessures dues à des abus sont susceptibles de se présenter aux urgences et des recherches antérieures montrent que le personnel peut jouer un rôle important dans l'identification de ces enfants, surtout s'ils disposent de la formation, des outils et des ressources appropriés », rappelle Féline Hoedeman, doctorante en médecine à l'hôpital pour enfants de Rotterdam, dans un communiqué.

Des stratégies de dépistage trop peu connues

Pourtant, seulement 51 % des répondants ont déclaré que leur hôpital avait une politique en place ; 24 % déclaraient qu’il n’en existait pas dans leur établissement ; et 25 % qu’ils ne savaient pas ou ne pouvaient affirmer qu’il y en avait une.

Les professionnels déclarant une politique dans leur hôpital étaient plus susceptibles de signaler dans leur établissement l’existence d’un outil de dépistage des maltraitances infantiles (52 % contre 2 % dans les hôpitaux sans stratégie affichée), d’une formation dispensée (63 % contre 30 %), d’une équipe spécialisée (73 % contre 27 %) et d’un responsable dédié (51 % contre 20 %).

Si ces résultats ne peuvent prétendre à une représentativité de l’ensemble des pratiques, ils suggèrent tout de même que « beaucoup trop d'hôpitaux » n’ont pas de politique de lutte contre les maltraitances infantiles ou que le personnel n’en connaît pas l’existence, conduisant les soignants à « manquer des occasions d'aider les enfants vulnérables », souligne Féline Hoedeman.

Les chercheurs prévoient de développer une boîte à outils, reprenant les stratégies reconnues efficaces pour identifier les enfants maltraités. « Le fait de disposer de protocoles précis pour rechercher systématiquement des signaux d’alerte sur une éventuelle maltraitance améliore l’attention et les pratiques », explique au « Quotidien » le Pr Youri Yordanov, urgentiste à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP) et président du comité des résumés de l'Eusem 2022.

« Dans le cas des violences conjugales, la mise en place de référents dans les services a facilité la prise de conscience. À titre personnel, ma pratique a changé, simplement parce qu'on m’a rappelé la manière appropriée de réagir, la procédure, ce qu’on peut proposer. Cette formalisation facilite la prise en charge », témoigne-t-il.

L'urgentiste juge que la grande variabilité des pratiques européennes est une question « que nous devons résoudre de toute urgence ». En France, « c’est un sujet dont s’emparent les pédiatres, notamment au sein de la Société française de médecine d’urgence. Ce type d’enquête peut accélérer le déploiement de recommandations », conclut-il

*Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Roumanie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie et Royaume-Uni.


Source : lequotidiendumedecin.fr