L’effet délétère de l’attente des patients hospitalisés

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Publié le 03/06/2019
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L’aval est sans doute un des problèmes les plus aigus au sein des services d’urgence qui, bien souvent, ont du mal à trouver des lits d’hospitalisation pour faire sortir leurs patients. Mais ce problème ne contribue pas seulement à emboliser les urgences. Il peut aussi entraîner une perte de chance pour les patients qui attendent. C’est ce que montre une étude rétrospective réalisée au CHU de Nîmes et publiée en avril dans les Annales françaises de médecine d’urgence. « Plusieurs études anglo-saxonnes ont mis en évidence l’effet délétère de cette attente aux urgences. Mais il n’y avait jamais eu d’étude française sur le sujet », explique le Dr Pierre-Géraud Claret, urgentiste au CHU de Nîmes.

En 2007, les urgences de Nîmes ont admis 60 062 patients adultes. Sur les 15 496 patients hospitalisés, 6 997 l’ont été pour une étiologie médicale, dont 2 546 (36 %) sans attente et 4 451 (64 %) après attente. « Après pondération, nous avons retrouvé une différence dans le taux de mortalité : 7,8 % dans le groupe avec attente contre 6,3 % dans le groupe sans attente. Cette différence d’1,5 % est très importante sur de la mortalité intra-hospitalière. Cela veut dire qu’il y a une personne qui meurt tous les 60 patients en attente, précisément à cause de cette attente », explique le Dr Claret, en précisant que cette mortalité touche principalement les patients les plus âgés et fragiles : ceux que les urgentistes ont le plus de mal à faire sortir des urgences.

No Bed Challenge

Ce problème de l’aval est bien mis en lumière par le « No Bed Challenge » lancé en janvier 2018 par Samu-Urgences de France. Une action basée sur les déclarations quotidiennes, par chaque service d’urgence, du nombre de patients restés sur des brancards la nuit par faute de lit d’hospitalisation. « Depuis juillet, on est environ à 30 000 patients ce qui, au vu de notre étude, peut conduire à un nombre de décès environ 500 », indique le Dr Claret. « Nous avons présenté notre étude aux différentes instances de notre CHU. Et elle a eu un certain impact. Des contrats ont été passés entre les urgences et les services qui ne peuvent plus refuser un patient pour le seul motif qu’il est trop âgé. Et cet hiver, l’hôpital a été capable de se mobiliser pour ouvrir 15 lits d’hospitalisation pour accueillir les patients admis aux urgences pour des pathologies hivernales », se félicite le Dr Claret.

Mais le véritable problème de fond est celui de la pénurie de lits de médecine. « Une étude de la Drees a montré qu’en 20 ans, on a fermé 25 000 lits de MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) alors que dans le même temps, la France a gagné 5 millions de Français en plus ».

D’après un entretien avec le Dr Pierre-Géraud Claret, urgentiste au CHU de Nîmes.

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9754