L’agence régionale de santé (ARS) Pays-de-la-Loire va-t-elle réussir à apaiser les esprits à Laval après une semaine éprouvante pour les médecins et personnels des urgences de l’hôpital, au bord de la crise de nerfs ? Huit praticiens urgentistes, exaspérés par la réorganisation décidée par la direction de l’hôpital de Laval – réaffectation du médecin du Smur aux urgences il y a une semaine d’une part et projet de délocaliser la régulation médicale à Angers la nuit d’autre part – avaient fait part de leur intention de démissionner.
Mais vendredi dernier, l’ARS a souhaité calmer le jeu, en suspendant d’abord la décision de transfert de la régulation médicale du Samu 53 vers le Samu 49, « un rétropédalage » dont se félicite l’intersyndicale de l’hôpital. Sébastien Tréguenard, directeur du CH de Laval a évoqué auprès du Quotidien « un simple projet en réflexion ». Deuxième signe d’apaisement, une médiation assurée par le syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) afin d’accompagner la réorganisation des urgences. Un comité de suivi se réunira tous les trois mois et planchera « sur les avantages et inconvénients de cette formule », a expliqué le directeur de l’ARS Jérôme Jumel à France Bleu.
On est arrivé à une extrémité en termes de souffrance des personnels
Dr Pierre-Maxime Rafaud, médecin urgentiste démissionnaire
C’est la « brutalité » de la réorganisation initiale qui avait choqué les blouses blanches, sur fond de pénurie médicale chronique aux urgences. « On est arrivé à une extrémité en termes de souffrance des personnels, confie le Dr Pierre-Maxime Rafaud, médecin urgentiste mayennais démissionnaire. Il y a un véritable épuisement et la direction ne s’y prend pas bien ! Pour qu’il y ait autant de démissions brutalement, cela signifie que c’est la grosse goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà bien trop plein. »
De fait, depuis trois ans, le service d’urgences subit une dégradation progressive des conditions de travail en raison de la pénurie médicale, surchargeant l’activité des équipes soignantes en place. Au 1er septembre 2024, les urgences comptaient 16,64 équivalents temps plein (ETP), souffrant d’un déficit de huit postes. Et 13,5 ETP seniors assurent l’encadrement des internes.
Dans ce contexte, la réaffectation non concertée du médecin du Smur aux urgences a entraîné une levée de boucliers, au point que les syndicats de personnels ont lancé « un droit d’alerte pour danger grave et imminent ». « Cela a entraîné du stress et un retard de prise en charge avec 14 patients dans la file d’attente. Auparavant, le médecin du Smur venait ponctuellement aux urgences, mais choisissait ses patients. Mais lundi dernier, nous avons eu un médecin étranger en cours de validation qui s’est retrouvé seul avec une infirmière, et tous les deux ont pratiqué sans seniorisation », explique Meryam El Hamdaoui, aide-soignante aux urgences et déléguée CGT. L’expérience a été mal vécue. « Il y a eu des prises en charge commencées et stoppées à cause du médecin parti en extérieur… explique Gaëlle Lode (CFDT), autre aide-soignante. Cela a aussi un impact sur les internes qui peuvent se sentir débordés comme les infirmières. »
Faire bouger les lignes
Quant à l’éventuel transfert de la régulation de Laval à Angers la nuit, un fossé s’est creusé entre la volonté des directions des deux établissements (Laval et Angers) de « faire bouger les lignes » pour pallier le manque de médecins et l’inquiétude croissante des hospitaliers sur le risque de perte de chance des patients.
Dans la même veine, l’Association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM), née en Mayenne, se demande « à qui incombera la responsabilité en cas de décès par retard de prise de soin ». Quant aux assistants de régulation médicale (ARM), ils ne souhaitent pas perdre cette « sécurisation » assurée par un médecin sur place.
Côté gouvernance, les deux directions du CH de Laval et du CHU d’Angers sollicitées par Le Quotidien, « bien conscientes des angoisses des acteurs », affichent leur volonté d’apaisement après un été houleux et un mois de septembre compliqué. Établissement pivot, le CHU bénéficie d’une meilleure attractivité médicale que le CH. Historiquement, nombre de médecins, dont des urgentistes, pédiatres ou psychiatres, travaillent à temps partagé entre les deux établissements. Et en 2021, un rapport réalisé par le Pr Dominique Savary, chef du service des urgences du CHU d’Angers, avait formulé plusieurs pistes de réforme dont le déport de la régulation médicale… Selon Cécile Jaglin, directrice du CHU, la régulation centralisée « n’est d’ailleurs pas une expérimentation et elle se pratique déjà en Bretagne ainsi qu’aux CHU de Dijon et Besançon ». Cette responsable se montre confiante sur la capacité de son établissement à assumer un éventuel surcroît d’appels.
Élément encourageant, l’ouverture du service d’accès aux soins (SAS) en décembre devrait permettre de soulager les urgences. Et les esprits ?
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