Depuis lundi matin, une quinzaine d’étudiants parisiens ont entamé une grève de la faim, accompagnée d’un sit-in devant les grilles du ministère de l’Enseignement supérieur. Recalé à l’accès en deuxième année de médecine à l’université de Paris, ils protestent contre la méthode de calcul, jugée injuste, du classement final. En effet, en juillet dernier, quelques jours après l’annonce des résultats définitifs, une cinquantaine d’étudiants très bien notés à l’écrit ont été relégués, perdant parfois plusieurs centaines de places et se sont retrouvés finalement exclus de l'admission après l'oral.
Pour comprendre pourquoi des étudiants de tête ont pu finalement être éliminés, il convient de revenir au système de notation mis en place par l’université de Paris – ex-Paris V. En lieu et place de la note réelle, la fac a mis en place des « notes de rang ». Une note factice, attribuée en fonction du classement. Ainsi, le premier aura 20/20, le deuxième 19,99/20 et le dernier 0/20. Un système censé éviter les ex aequo, mais totalement factice pour ces étudiants.
« J'ai vu mon rêve s’envoler »
Classée 300e sur plus de 1 700 étudiants, Juliette a eu 11/20 à l’oral. « Mais en note de rang, je me suis rendu compte que j’avais finalement 1,5/20 ! Quand j’ai ouvert les résultats, j’ai cru qu’il y avait une faute de frappe… », témoigne-t-elle. Résultat : elle perd son sésame d'accès en deuxième année de médecine, « j’ai perdu 450 places, j’ai vu mon rêve s’envoler », se désole l’étudiante, qui a entamé une grève de la faim avec ses camarades du collectif «Pass Université Paris ».
Le cas de Juliette est loin d’être isolé. Au total, 42 étudiants parisiens brillants auraient été privés d’accès en deuxième année de médecine, à l’issue de l’oral. À 19 ans, Célia a elle aussi décidé de se mobiliser. Classée 277e à l’issue des écrits, elle perd du jour au lendemain 350 places au classement. « Ma note d’orale est passée de 13/20 à 4,5/20 en note de rang », indique Célia. Le collectif affirme que l’oral a compté pour 70 % de la note finale, contrairement aux 50 % maximum prévus dans l'arrêté qui régit les modalités d'admission.
Un oral au petit bonheur la chance
« Pendant un an nous avons travaillé 16 heures par jour, 7 jours sur 7. Et ce sont finalement les 20 minutes d’oral qui ont été déterminantes… », regrette Isaac, qui a lui aussi perdu plusieurs centaines de places. Car, au-delà des notes de rang, c’est bien l’organisation de l’épreuve orale que critiquent les étudiants parisiens. « Nous n’avons eu aucune formation avant de passer l’oral, aucun document… On nous a dit de ne pas nous inquiéter, que le jury serait bienveillant », raconte Isaac.
De fait, alors que la réforme prévoyait un oral basé sur les motivations et l’empathie du futur médecin, les sujets ont été très disparates en fonction des facs et des promos. Grande barrière de corail, montres connectées, racisme, pesticides… Des sujets d’actualité à commenter, « mais pendant un an j’avais autre chose à faire que de regarder l’actualité, je me concentrais sur le concours ! », s’insurge Célia. « Moi, on m’a demandé mon avis sur le financement de l’Assurance maladie », raconte Juliette. « De mon côté, mon sujet portait sur le racisme, on m’a demandé ce que je pensais des pâtisseries qui s’appellent encore « tête de nègre » », poursuit Isaac.
Plus rien à perdre
À l’annonce des résultats en juillet, les étudiants parisiens ont multiplié les démarches auprès de la faculté pour réintégrer le classement. Le 11 juillet, la scolarité a indiqué par mail que le « classement de l’écrit est intermédiaire et incomplet » et qu’il n’y avait jamais eu de garantie d’admission des élèves bien classés à l’écrit. Pendant l’été, le collectif a déposé un recours devant le tribunal administratif, refusé au mois d’août. Une action auprès du Conseil d’État est en cours. Reçu cette semaine par des représentants du ministère de l'enseignement supérieur, le collectif – qui demande la réintégration immédiate des 42 étudiants - n’a pas non plus obtenu gain de cause.
« 42 étudiants à l’échelle de la France c’est une goutte d’eau, d’autant plus que l’on manque cruellement de médecins », lance Célia. En attendant, ces aspirants médecins voient la rentrée s’approcher à grand pas. Certains intégreront dans quelques jours une licence (L.AS), dans l’espoir de retenter leur chance en médecine dans un ou deux ans, « même si nous n'avons toujours aucune idée du nombre de places qui nous seront accordées », souligne Juliette. D’autres ont profité de quelques places libres en pharmacie. « Et certains d’entre nous ont complètement arrêté la fac, beaucoup sont en dépression », ajoute Isaac.
Après plusieurs jours de protestation, le ministère a demandé l’intervention de la police et des CRS. Les étudiants attendent désormais une autorisation de manifester et poursuivent leur grève de la faim. « Nous n’avons plus rien à perdre de toute façon », souffle Célia.
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