En ville comme à l'hôpital, pas de chèque en blanc au président

Les médecins attendent Macron au tournant

Par
Publié le 11/05/2017
Article réservé aux abonnés
macron

macron
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Même si son élection a été largement saluée dans la profession, Emmanuel Macron ne bénéficiera d'aucun état de grâce. Les médecins l'invitent déjà à prendre en considération leurs attentes après un quinquennat jugé sévèrement, en particulier en ville.

Le nouveau président de la République inscrira-t-il ses pas dans ceux de François Hollande ? S'attaquera-t-il à la réforme de l'hôpital, terrain miné ? Jusqu'où ira sa volonté de dérégulation, de déverrouiller « massivement » la télémédecine ou de développer les pratiques avancées des paramédicaux ? La profession s'apprête à faire un saut dans l'inconnu avec un président de 39 ans qui n'a guère détaillé son projet santé au-delà des têtes de chapitre, mais envisage de nommer un médecin avenue de Ségur. 

Certes, plusieurs orientations paraissent consensuelles. Le doublement des maisons de santé pluridisciplinaires en cinq ans, la valorisation de la prévention, une meilleure articulation ville/hôpital ou la poursuite de la réforme de la tarification à l'activité (T2A), déjà bien entamée, ne devraient pas mécontenter les blouses blanches. De même, la volonté d'Emmanuel Macron d'expérimenter dans les territoires les solutions qui marchent avant de généraliser ne peut que rassurer des praticiens (et l'Ordre des médecins) qui redoutent surtout les mesures technocratiques plaquées d'en haut.  

D'autres projets, plus sensibles, devront être explicités et négociés avec les professionnels comme le développement des délégations de tâches aux non-médecins, l'évolution des métiers de santé, le futur tiers payant « généralisable » (après évaluation) ou les modalités de l'autonomie accrue des hôpitaux. La nouvelle articulation promise entre Sécu, complémentaires et professionnels, avec l'objectif d'un « reste à charge zéro » pour les soins coûteux en 2022, est une source d'incertitude pour les praticiens libéraux, qui sont nombreux à redouter la montée en puissance des mutuelles dans la gestion du risque.  

Priorités : attractivité et reconquête du temps médical

Tarifs, carrières, conditions de travail : Emmanuel Macron est particulièrement attendu sur la question de l'attractivité médicale, en ville comme à l'hôpital, comme en témoignent les réactions pressantes recueillies auprès des leaders syndicaux (lire ci-dessous et ci-contre). « La crise de la médecine libérale est majeure », rappelle le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Le gouvernement n'est pas encore nommé que les syndicats ressuscitent leurs exigences de fonds ciblé sur les soins primaires (MG France) ou de « plan Marshall » (FMF). Mais dans ce domaine, le chef de l'État devra composer avec un financement toujours contraint (il programme 15 milliards d'euros d'économie à l'assurance-maladie sur cinq ans).

Même impatience chez les PH. « Tout reste à faire à l'hôpital, résume carrément le Dr Max-André Doppia, patron d'Avenir Hospitalier. La priorité absolue est de construire un projet attractif pour les carrières car le plan Touraine n'est pas suffisant ». Olivier Le Pennetier, président de l'Intersyndicat national des internes (ISNI), va plus loin. « Une problématique majeure a resurgi : le suicide des internes. Cinq d'entre eux se sont donné la mort depuis janvier 2017. Il faut trouver une solution. »

Une autre attente forte porte sur la reconquête du temps médical, grignoté depuis des années par l'administratif. Or, sur ce point précis, Emmanuel Macron a tenu un discours moins tranché que François Fillon qui promettait de débureaucratiser le système de santé à tous les étages, en commençant par la suppression du tiers payant. Là encore, la nouvelle équipe devra faire ses preuves.

Médecins libéraux, PH, cliniques : « Tous les professionnels attendent des gestes forts qui montrent que le dialogue est réinstallé », confie au « Quotidien » le Dr Patrick Bouet, président de l'Ordre national des médecins.   

Véran, Salomon, Griveaux… : Touraine, bis ?

A ce stade incertain, la principale inquiétude des libéraux concerne la vision et la feuille de route véritable de la nouvelle équipe. Il n'a pas échappé à de nombreux médecins que plusieurs conseillers santé d'Emmanuel Macron ont gravité autour de Marisol Touraine ou au PS. Le Dr Olivier Véran, ex-député socialiste et rapporteur de la loi Touraine, a été le référent santé le plus influent de la campagne du candidat Macron. Autre cheville ouvrière, le Pr Jérôme Salomon est un ancien conseiller du cabinet de Marisol Touraine chargé de la sécurité sanitaire (2013/2015). Dans le staff santé de Macron, on retrouve aussi l'ex-socialiste Michel Amiel, généraliste sénateur, ou Claude Evin, ancien ministre PS de la Santé. Quant à Benjamin Griveaux, porte-parole principal d'en Marche !, c'est un ancien strauss-kahnien lui aussi passé par le cabinet de la ministre de la Santé dès 2012… « Tout le cabinet de Touraine, ou presque, se retrouve chez Macron », ironise un fin connaisseur du secteur. Pas de quoi rassurer les médecins douchés par un « quinquennat d'incompréhension et de tension », selon la formule du SML.
 

Lire aussi : « Soulagée, la santé réagit à l'élection de Macron et attend des actes »

Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin: 9580