Les étudiants en santé font face à des difficultés majeures pour joindre les deux bouts : c’est ce que révèle une enquête de la Conférence des doyens des facultés de médecine, à laquelle plus de 12 500 jeunes en formation (dont 56 % en médecine) ont répondu.
L’étude, diffusée entre janvier et mars 2024 par les UFR de santé, visait à évaluer la précarité économique, mais aussi le soutien familial et la santé mentale des étudiants de santé avec un focus sur les disparités entre les filières santé (médecine, maïeutique, pharmacie, odontologie, paramédical) et les années d’études.
Présentés à l’occasion des états généraux de la formation et de la recherche médicale, les résultats sont très préoccupants et confirment que la situation financière des apprenants des filières sélectives médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie (MMOPK) et du secteur paramédical est particulièrement fragile, y compris par rapport au reste de la population étudiante. De précédentes enquêtes, basées sur le ressenti des répondants, avaient déjà alerté sur le sujet. Une étude de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), publiée en octobre 2023, montrait que 42 % des carabins de second cycle avaient déjà pensé à renoncer à leurs études pour des raisons financières.
Les étudiants en médecine loin d’être épargnés
Dans cette nouvelle enquête, les résultats obtenus à partir de score validés, ne sont pas plus rassurants.
Les étudiants paramédicaux se révèlent les plus vulnérables avec 21 % des sondés en « faible précarité économique » et jusqu’à 12 % « en situation de précarité », selon des critères tels que les découverts bancaires récurrents, le renoncement alimentaire et l’insuffisance des ressources pour couvrir les besoins mensuels.
Les carabins ne sont pas épargnés avec 19 % concernés objectivement par une « faible précarité économique » et 9 % à être aujourd’hui en situation de « précarité ». Cette fragilité financière est davantage marquée chez les étudiants de sixième année de médecine, plus avancés dans leur cursus, notent les auteurs.
Selon la Pr Marie-Pierre Tavolacci, médecin épidémiologiste au CHU de Rouen et dernière auteure de l’étude, ces résultats peuvent s’expliquer par la nature même des formations médicales et paramédicales, particulièrement longues et éprouvantes. « De par la longueur de leur cursus, que ce soit avec les cours, les stages, la confrontation à la maladie et à la mort, les étudiants en santé sont particulièrement exposés, analyse la chercheuse rattachée à l’Inserm 1 073. Leur charge de travail est aussi associée à une charge mentale très importante, avec une particularité pour les étudiants en médecine dont les études sont très longues avec des révisions constantes jusqu’en sixième année avec le concours de l’internat. »
Soutien financier indispensable pour vivre
Cette instabilité financière a des répercussions sur le quotidien des jeunes en formation. Ainsi, 37 % des étudiants paramédicaux et un gros quart des carabins et autres filières sont en situation d’insécurité alimentaire, à des degrés variés. Parmi eux, 6 % des étudiants en médecine ont eu recours à une aide alimentaire au moins une fois au cours des 12 derniers mois.
Parmi les étudiants des filières santé, 10 % des étudiants paramédicaux et 11 % des étudiants en médecine (et 8 % des PASS) ont dû contracter un prêt pour leur formation.
Dans ce contexte, 40 % des étudiants en médecine exercent un job étudiant en parallèle de leurs études et même 55 % des MOPK. L’étude souligne même que 15 % des carabins jugent leur emploi « totalement » indispensable pour vivre, un chiffre qui s’élève à 20 % pour les étudiants paramédicaux.
À noter que près de 40 % des répondants dépendent d’un soutien financier important de leurs parents pour subvenir à leurs besoins. Les étudiants en PASS sont même 61 % à bénéficier d’un coup de pouce financier de la part de leurs proches. À noter que 26 % des étudiants en médecine bénéficient d’une bourse.
Sans surprise, cette précarité « est associée à une augmentation de l’anxiété, de la dépression et de l’épuisement émotionnel », notent les auteurs. Au total, un étudiant en santé sur deux dit souffrir d’anxiété (15 à 25 % des répondants se déclarant dépressifs).
Malgré un besoin de soins, « de nombreux étudiants renoncent à consulter pour des raisons financières », insiste l’étude, 20 % des carabins ayant déjà renoncé à une séance chez le psychologue par manque de moyens.
Du constat à l’action
À la lumière de cette enquête, la conférence des doyens entend tirer des enseignements concrets pour lutter contre la précarité étudiante. Elle formule plusieurs recommandations pour améliorer le bien-être des étudiants tout en renforçant la responsabilité sociale des universités.
Parmi ces pistes figurent l’élargissement de l’accès aux services de santé mentale pour les étudiants les plus vulnérables, la sensibilisation à la gestion des ressources financières, le soutien aux initiatives solidaires étudiantes, la revalorisation des gratifications de stages hospitaliers en collaboration avec les établissements de santé, ainsi que l’élargissement des aides financières et le renforcement des bourses.
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