Médecine intensive-réanimation

Journée mondiale du sepsis : la recherche française s'active

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Publié le 09/09/2022
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En marge de la journée mondiale contre le sepsis, le réseau de recherche dédié Crics-Triggersep présente quelques-uns des projets qu'il coordonne. Prophylaxie chez les patients intubés, approche personnalisée, alternatives aux antibiotiques sont à l'étude. Mais avant tout, urgentistes et généralistes ont un rôle fondamental dans le repérage.
L'urgence est de donner au patient un antibiotique le plus rapidement possible

L'urgence est de donner au patient un antibiotique le plus rapidement possible
Crédit photo : Phanie

Le 13 septembre, se tient la journée mondiale contre le sepsis. À cette occasion, le réseau de recherche dédié Crics-Triggersep fait le point sur les enjeux de la prise en charge de cette maladie méconnue, qui touche 49 millions de personnes dans le monde. En France, l'incidence était de 403,5 pour 100 000 habitants en 2019 (1).

Le sepsis est la forme la plus grave d’une infection, acquise en communauté ou en établissements de santé. « C'est le début de la généralisation de l'infection, qui peut se caractériser par une hypotension artérielle ou une tachycardie et peut entraîner une défaillance d'organes, voire conduire au décès, explique au « Quotidien » le Pr Ferhat Meziani, chef du service de médecine intensive-réanimation au Nouvel Hôpital civil du CHRU de Strasbourg. Sa forme la plus grave, le choc septique, nécessite l'introduction de la noradrénaline et une hospitalisation en réanimation. »

Les antibiotiques, c'est automatique

Alors que le nombre de décès annuel lié au sepsis dans le monde s'élève à 11 millions, une tendance à la diminution de la mortalité s'observe en France. La mortalité hospitalière y est estimée à environ 25 % en 2019, avec une tendance à la baisse et une fréquence plus élevée chez les plus de 75 ans ou les patients présentant des comorbidités ainsi que chez les enfants de moins d’un an (1).

« Cette amélioration, qui doit se poursuivre, s'explique par une meilleure définition du sepsis et une meilleure sensibilisation de nos collègues, hors des services de réanimation, notamment des services d'urgences, à l'importance d'une prise en charge très rapide, estime le Pr Meziani. Car le temps joue de manière très importante : face à un sepsis, l'urgence est de donner au patient un antibiotique le plus rapidement possible. Les antibiotiques sont automatiques en cas de sepsis. » Le réanimateur insiste sur le rôle majeur des médecins traitants dans la prise en charge : « Ils doivent connaître les signes de sepsis pour adresser au plus vite le malade à l'hôpital. »

Mieux informés, les médecins sont davantage en mesure de fournir une prise en charge adéquate et rapide avant l'admission des patients en réanimation, avec une antibiothérapie adaptée en fonction de l'examen clinique et la réalisation d'un remplissage vasculaire (expansion volémique). En effet, « les patients atteints de sepsis présentent une inflammation vasculaire telle qu'ils sont en vasoplégie et donc en hypovolémie », explicite le Pr Meziani.

La place des corticoïdes

De récentes études en France et à l'international ont aussi permis de faire évoluer la prise en charge, notamment concernant le recours aux corticoïdes. Des études ont en particulier montré l'efficacité de l'hydrocortisone dans les états de choc septique (quel que soit le point de départ de l'infection). « Les résultats obtenus avec les corticoïdes dans les sepsis pulmonaires des formes graves de Covid-19 sont venus consolider ces réflexions et ces travaux », souligne le Pr Meziani.

Le réseau Crics-Triggersep, labellisé F-Crin (2), chargé de promouvoir, d'améliorer et de coordonner la recherche translationnelle autour du sepsis, soutient divers projets, comme l'étude Cape Cod portée par le Pr Pierre-François Dequin, chef du service de médecine intensive-réanimation du CHU de Tours, et qui vient de se terminer. Cette étude a permis d'évaluer l'effet de l'hydrocortisone contre placebo dans le traitement de la pneumopathie communautaire grave, chez des patients en détresse respiratoire. Les résultats sont en attente de publication.

Le projet Records, moins avancé, est un programme de recherche hospitalo-universitaire (RHU) porté par le Pr Djillali Annane, chef du service de médecine intensive-réanimation à l'hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP), souhaite aller plus loin en s'intéressant à la personnalisation des traitements par hydrocortisone en fonction de la prédisposition individuelle des patients.

Le réseau Crics-Triggersep soutient également le projet Amikinhal, mené par le Pr Stephan Ehrmann du service de médecine intensive-réanimation du CHU de Tours, co-coordinateur du réseau. Cette étude évalue l'intérêt d'une approche prophylactique, qui délivre l'antibiothérapie directement dans les poumons par inhalation afin de prévenir les infections pulmonaires chez des patients intubés et ventilés, « l'intubation étant un facteur de risque important d'infection nosocomiale », souligne le Pr Meziani.

L'antibiorésistance, un fléau

Un autre enjeu de la prise en charge du sepsis est lié au phénomène de l'antibiorésistance, alors que l'antibiothérapie est cruciale dans le traitement des patients atteints de sepsis. « Nous sommes confrontés à ce fléau et nous saluons les initiatives de financement de la recherche sur l'antibiorésistance dans notre pays, avec la constitution du méta-réseau de professionnels Promise dans une approche One Health », note le Pr Meziani, précisant que le réseau Crics-Triggersep fait partie de ce méta-réseau. L'objectif : mieux comprendre le phénomène et trouver des alternatives aux antibiotiques.

Un groupe d'experts coordonné par l'Inserm (Itmo I3M) - et dont le Pr Meziani fait partie - se penche par ailleurs sur les questions liées à la recherche sur le sepsis en France depuis plus d'un an. Point d'orgue de ces réflexions, une journée de sensibilisation était prévue ce 8 septembre au ministère de la Santé. Elle est ouverte notamment aux professionnels de santé. « Notre but est aussi de convaincre les pouvoirs publics de financer de manière importante la recherche sur le sepsis », souligne le Pr Meziani.

(1) F. Pandolfi et al., Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique, 2022. doi:10.1016/j.respe.2022.01.116
(2) Porté par l’Inserm, French Clinical Research Infrastructure Network (F-Crin) renforce la compétitivité de la recherche clinique française à l’international, labellise les réseaux de recherche et facilite la mise en place d’essais cliniques académiques ou industriels.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin