« Il est vraiment important que la pneumologie prenne le virage du numérique en santé, en s’engageant notamment dans la télésurveillance. Dans ce contexte, on ne peut que se féliciter que celle-ci passe dans le droit commun, après avoir été expérimentée durant plusieurs années », indique le Dr Yves Grillet, vice-président de la Fédération française de Pneumologie (FFP), en rappelant que c’est en 2014 que l’essai a été lancé, via le programme Étapes (Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé). Porté par les pouvoirs publics et reconduit en 2018 pour une durée de quatre ans, ce programme visait à encourager et soutenir financièrement le déploiement de projets de télésurveillance sur l’ensemble du territoire.
Selon le code de la Santé publique, la télésurveillance « a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des mesures relatives à la prise en charge de ce patient. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé. »
Insuffisance respiratoire, oxygénothérapie
Dans le cadre du programme Étapes, cinq pathologies ont été retenues : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables. « Pour notre spécialité, les indications restaient relativement limitées. L’expérimentation Étapes permettait d’inclure uniquement les patients adultes souffrant d’insuffisance respiratoire chronique de cause obstructive ou restrictive relevant des indications de l’ALD 14 (insuffisance respiratoire chronique grave) sous ventilation non invasive (VNI) », indique le Dr Grillet. Mais, sous l’impulsion de la FFP, la Haute autorité de santé (HAS) a étendu cette indication aux patients insuffisants respiratoires chroniques sous oxygénothérapie de longue durée, et également à l’oxygénothérapie de courte durée. « On aimerait que cela aille plus loin, et qu’on puisse inclure dans la télésurveillance les patients traités par pression positive continue (PPC). Mais, pour l’instant, cela n’a pas été accepté. Sans doute parce que le nombre de patients concernés serait alors d’une tout autre ampleur, souligne le pneumologue. C’est d’autant plus regrettable que la télésurveillance pourrait harmonieusement se conjuguer avec la téléconsultation, simplifiant le parcours du patient tout en garantissant la qualité des soins. »
Des décrets attendus à l’été
Après cette phase d’expérimentation, la télésurveillance va entrer dans le droit commun en juillet 2022. « La FFP a travaillé sur la rédaction du futur cahier des charges avec la HAS. On attend maintenant la publication des décrets, qui sont encore en cours d’élaboration. On espère que tout cela pourra être mis en place avant la fin de l’année », indique le Dr Grillet, conscient de l’intérêt de la télésurveillance dans la prise en charge des patients. « C’est une source d’informations précieuses pour les médecins, qui peuvent être alertés en cas de problème dans les données du patient. »
Les conditions de prescription de la télésurveillance sont très encadrées. Comme tous les autres actes de télémédecine, elle doit être réalisée avec le consentement libre et éclairé du patient. « L’information préalable délivrée au patient en amont comprend explicitement les deux possibilités de suivi : par suivi conventionnel seul ou par télésurveillance. L’équipe médicale doit pouvoir assurer un suivi conventionnel en cas de refus du patient. Les modalités de l’accompagnement thérapeutique (présentiel ou distanciel) doivent être expliquées de façon claire au patient », souligne la HAS.
Pour les patients sous VNI (avec ou sans oxygène), la prescription initiale de télésurveillance peut être réalisée par le pneumologue, le réanimateur, le neurologue ou le médecin spécialisé en médecine physique ou de réadaptation exerçant dans un centre de référence ou un centre de compétences des maladies neuromusculaires. « Le prescripteur détermine la durée de cette primoprescription, qui est au maximum de 3 mois. Ensuite, pour les renouvellements, la durée maximale de prescription est fixée à 6 mois », précise la HAS. Pour les patients sous oxygénothérapie, la prescription initiale de télésurveillance est réalisée par le médecin pneumologue dans les mêmes conditions de durée et de renouvellement.
Exergue : « On aimerait que cela aille plus loin, et qu’on puisse inclure les patients traités par pression positive continue »
Entretien avec le Dr Yves Grillet, vice-président de la Fédération Française de Pneumologie (FFP)