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Un médecin libéral en liquidation judiciaire peut-il à nouveau exercer en libéral après la fin de la procédure ?

Publié le 14/02/2024

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste, avocate au cabinet Auché, experte dans le conseil et la défense des professionnels de santé et partenaire du journal.

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Un médecin libéral en liquidation judiciaire peut-il à nouveau exercer en libéral après la fin de la procédure ? Les conseils de l’Ordre évoquent une interdiction d’exercer en libéral si une liquidation est envisagée. Mais nul ne précise si cela est « à vie » ou bien seulement le temps de la procédure. Bon nombre de confrères traversent cette épreuve après un incident de santé ou cessation de paiement suite à la Covid. Leurs conseils ne semblent pas tous en accords. Il me semble qu’apporter de la clarté sur la chose pourrait aider beaucoup à faire le bon choix entre un redressement qui peut coûter cher en énergie et en argent versus un droit à la remise à zéro des compteurs. Moyennant un temps l’exercice de la médecine en qualité de salarié avant de retenter l’aventure libéral dans les déserts médicaux avec un peu plus de recul ou de maturité.
Un expert pourrait-il confirmer ou infirmer mon propos ?
Bien sincèrement.
Maître Maud Geneste
Cher Docteur,
C'est un très mauvais calcul que de privilégier la liquidation au redressement. Outre le fait que le prononcé de la liquidation, au terme de la procédure, entraîne de plein droit la radiation du tableau de l’Ordre des médecins, durant la procédure en elle-même, le débiteur ne peut pas exercer. La radiation de l'Ordre prend acte de la fin de l'activité du professionnel que représente une liquidation. Mais cette fin d'activité a lieu dès le début de la procédure. La procédure de liquidation judiciaire est en effet destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession de ses droits et biens. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que le débiteur ne puisse poursuivre ses activités antérieures. C'est pourquoi, pendant toute la durée de la procédure, celui-ci se trouve privé de l'administration et de la disposition de ses biens, pouvoirs qui sont exercés par le liquidateur désigné pour procéder aux opérations de liquidation. Le passif du débiteur est réglé par ce mandataire de justice dans la mesure des actifs disponibles. Jusqu'à la clôture de la liquidation, le débiteur personne physique fait en outre l'objet d'une interdiction d'exercer toute activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante y compris une profession libérale. Il s'agit là d'une mesure de protection destinée à éviter la création d'un nouveau passif. Le débiteur conserve la possibilité d'exercer une activité salariée. Mais attention, car au terme de la procédure votre responsabilité peut être recherchée pour être arrivé à l'état de cessation des paiements (communément appelé faillite), qui prive les créanciers du recouvrement de leurs créances. S'il est établi que vous êtes arrivé à l'état de cessation des paiements sans avoir demandé l’ouverture d’une procédure judiciaire à temps, vous êtes susceptible de la sanction "d'interdiction de gérer'". S'il est établi que vous avez poursuivi de manière abusive une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à l’état de cessation des paiements ou que votre comportement a contribué à la dégradation de la situation économique, c'est le risque du prononcé d'une "faillite personnelle". La faillite personnelle emporte une interdiction générale d'exercer, alors que l'interdiction de gérer peut, quant à elle, être limitée à un secteur d'activité en particulier. La deuxième différence concerne la durée de la sanction. La faillite personnelle peut être imposée pendant une durée de 15 ans maximum alors que l’interdiction de gérer ne peut pas dépasser 10 ans. Ces sanctions sont très lourdes. C'est pourquoi il est vivement déconseillé de faire le choix d'en arriver à la cessation des paiements.
Bien à vous.
 

Me Maud Geneste - Avocat
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Source : lequotidiendumedecin.fr