Courrier des lecteurs

Le témoignage d'un médecin français hospitalisé au Japon

Publié le 16/09/2019

Août 2019, vacances au Japon. Une chute du sommet d'une colline et j’atterris sur une palissade de bambou tendre comme du granit. Une douleur violente au flanc gauche m'étreint et m’asphyxie. Deux heures - pas plus -, entre les appels au secours de mon épouse et un scanner aux urgences qui révèle cinq fractures de côtes, un pneumothorax et un hémothorax. Vingt jours d'hospitalisation en chirurgie thoracique, à Takamatsu puis à Tokyo. L'intervention chirurgicale est finalement jugée inutile. J'en suis quitte pour une belle frayeur et quelques séances de kinésithérapie à mon retour à Paris.

Dans chaque chambre, un rideau d'intimité

Je suis pédopsychiatre et je ne connais rien à la chirurgie thoracique, aussi ne jugerai-je que des « soins hôteliers » de ces deux hôpitaux publics japonais. Quelques exemples de mon ébahissement. Dans chaque chambre, une fois ouverte la porte coulissante, il faut dépasser un rideau d'intimité que les infirmiers et les médecins ne franchissent qu'une fois obtenu l'accord du patient. Le moniteur médical peut être placé devant le rideau et ainsi les paramètres vitaux peuvent être contrôlés sans déranger le patient. Une sonnette d'appel est au chevet de chaque patient et toutes les infirmières insistent pour qu'il en soit fait souvent usage. Moyenne d'attente après un appel, 20 à 30 secondes. Je n'ai pas le souvenir d'un visage qui ne soit souriant et bienveillant. Les chambres disposent d'une climatisation réglable, d'un petit réfrigérateur et d'un coffre-fort. Les serviettes de toilettes sont changées chaque jour et les draps tous les deux jours. Dans l'un des deux hôpitaux le linge de lit est en percale. Les patients étrangers disposent d'un appareil portable de traduction.

Les horaires de visite : 24 heures sur 24

Pour les soins infirmiers multi-quotidiens (prise de tension, contrôle oxymétrique, auscultation, etc.), le patient est sollicité pour donner son accord, et tout se réalise avec une douceur tactile presque caressante.

Autre sujet, je demande les horaires de visite autorisés pour les familles et à mon étonnement il m'est répondu « 24 heures sur 24 ». Il faut préciser que l'infirmerie est au centre du service ainsi que nombre d'autres bureaux et dépendances, les chambres s'ouvrent toutes sur ce « forum » vivant et rassurant, infiniment plus agréable qu'un alignement de chambres dans un couloir. Petites attentions : devant les ascenseurs, quelques sièges pour patienter et dans chaque ascenseur, un petit banc confortable. Ajoutons aussi, que l’accueil à la porte d'entrée de l'hôpital ne manque pas d'élégance, puisque tel un portier d'hôtel, une femme ouvre les portes des voitures et donne les premières informations aux visiteurs et aux consultants.

Une salle d'exposition pour le commerce de l'art

L’hôpital St Luke de Tokyo compte 520 lits d'hospitalisation et reçoit chaque jour environ 1 700 consultants externes. À la disposition de tous, trois supérettes dont l'une propose des pyjamas et tout le nécessaire à la toilette et à l'hygiène. À l'heure des repas, un self-service est ouvert pour les consultants et les visiteurs. Dans l'hôpital, de nombreuses peintures ou estampes de grand format et de belle qualité ornent les couloirs, les salles d'attente et les salons de réception ou se rencontrent les patients et leurs proches. Enfin, une petite salle d'exposition est louée pour le commerce de l'art. Pendant mon séjour, se sont succédé un créateur de bijoux, un vendeur d'estampes, et des artisans présentant des poupées en tissu.

Pour ne rien omettre, une demi fausse-note. Lors de l’arrêt de la perfusion de morphine, le compte n'y est pas. Les doses per os sont trop faibles et au premier soir de ce sevrage, je demande un supplément au médecin de garde qui refuse. Bravache, et oubliant la période Philopon*, je sors de ma trousse de voyage de l'actiskénan 5 mg (simple précaution de voyageur) et je déclare que je me soignerai tout seul. Aucun commentaire du médecin, mais le lendemain, appel de l’ambassade de France pour m'informer que le Service anti-drogue de Tokyo lance une enquête à mon encontre. Dans la journée, quatre membres dudit service dont une interprète, débarquent dans ma chambre d'hôpital pour m'interroger sur ma détention de stupéfiants. Je leur montre ma carte de l'Ordre des médecins, ce qui les rassure. L'enquête se clôt sur un échange de sourires et de poignées de mains.

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* Lire sur le net : « Quand le Japon était à deux doigts du chaos à cause de la méthamphétamine »

Dr Gabriel Wahl, Pédopsychiatre, Paris (75)

Source : Le Quotidien du médecin