Surmortalité des patients coinfectés VIH-VHC

Les facteurs liés à l'hôte prennent de l'importance

Par
Publié le 09/09/2019
Article réservé aux abonnés
L'avènement des trithérapies et des antiviraux à action directe a complètement modifié le profil évolutif péjoratif des patients infectés par le VIH et le VHC. Aussi,  le poids des facteurs liés à l'hôte peut être plus finement analysé en termes de sur-risque de mortalité dans cette population. Selon les travaux des chercheurs Français du SESSTIM, la consommation régulière de cannabis et de café (3 tasses par jour), réduit notamment le risque de mortalité.
L’éradication du VHC réduit le taux de mortalité globale de 80 %

L’éradication du VHC réduit le taux de mortalité globale de 80 %
Crédit photo : Phanie

L'arrivée des trithérapies contre le VIH et des antiviraux à action directe contre le VHC ont fait reculer les comorbidités associées à la réplication de ces 2 virus, sans pour autant annuler la surmortalité des patients coïnfectés.

« Notre équipe a mis en évidence que l'éradication du VHC réduit leur taux de mortalité globale de 80 % explique Patrizia Carrieri, membre du SESSTIM (Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale). Cependant un risque résiduel persiste, suivant l’état de la fonction hépatique, l’immunodépression ou encore les styles de vie ». Avec son équipe, la chercheuse a évalué, dans un article paru dans « AIDS and Behavior », les liens entre comportements et risque de mortalité chez les patients coïnfectés. Leurs conclusions : un effet délétère du syndrome métabolique, de l'alcool et du tabagisme, et… un effet protecteur des consommations régulières de café (3 tasses par jour) et de cannabis.

Une population très consommatrice

Les chercheurs ont réalisé une étude de cohorte sur de 1 028 patients coïnfectés de la cohorte HEPAVIH. Ses derniers fument plus que la population générale (71,8 % de fumeurs réguliers) et consomment davantage de cannabis (24,8 % contre 7,2 % en population générale selon les chiffres de l'OFDT).

Au cours d'un suivi median de 5 ans (entre 2005 et 2014), 77 décès ont été dénombrés, dont 42,8 % liés à l'infection par le VHC (cirrhose décompensée ou cancer du foie), 10,4 % liés au VIH (lymphome de Hodgkin, encéphalites ou hypertension artérielle liées au VIH), 10,4 % causés par un cancer non lié au VHC ou au VIH et 35,1 % ont une autre cause (maladie cardiovasculaire, overdose, suicide, etc.).

En analyse multivariée, les participants qui boivent 3 tasses de café, ne fument pas, et consomment régulièrement, voire quotidiennement du cannabis, avaient un risque de mortalité au cours de cette période significativement diminué de respectivement 62, 72 et 72 %. Les facteurs comportementaux associés à un surrisque de mortalité étaient l'obésité ou au contraire l'extrême minceur (risque relatif de décès de 2,4 et 7,3) ainsi que les épisodes d'alcoolisation massive, ou « binge drinking » (risque relatif 2,2).

Des facteurs indépendants de l'état hépatique

Plus la moitié des patients décédés, et 82 % des membres de la cohorte, ne présentaient pas de fibrose sévère (score FIB-4 supérieur à 3,25). « Nous avons pris en compte les antécédents de greffe hépatique ou cancer du foie et des signes cliniques de cirrhose, détaille Patrizia Carrieri. Même en prenant compte l’effet de la maladie hépatique avancée, les facteurs comportementaux restaient associés à une réduction ou une augmentation du taux de mortalité », insiste-t-elle.

Concernant le rôle de la consommation de cannabis, des publications plus anciennes du SESSTIM, mais aussi d'autres équipes, indiquent une association entre consommation quotidienne et risque d'insulinorésistance et de stéatose hépatique, en lien avec les propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires du cannabidiol.

Patrizia Carrieri rappelle que « l’utilisation du cannabis est souvent un acte d’automédication destiné à contrôler certains symptômes douloureux, agir sur l’anxiété et l’insomnie mais aussi de lutter contre l’inflammation chronique et le dérèglement du système endocannabinoïde. »

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin