Assistant territorial : l’idée de l’Ordre fait un flop chez les jeunes

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Publié le 23/02/2018
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Le nouveau statut d’assistant territorial imaginé par l’Ordre pour inciter les jeunes diplômés à s’installer est jugé « inadapté » à la médecine générale par la jeune génération, qui regrette de ne pas avoir été consultée.
Assistants

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Créer des postes d’assistants territoriaux en ambulatoire pour inciter les jeunes diplômés à s’installer en libéral. La piste, présentée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) la semaine dernière, n’a pas rencontré le succès escompté auprès des intéressés. Les représentants des jeunes médecins et internes la jugent « inadaptée à la médecine générale » et déplorent avoir été pris de court par le Cnom. « Nous sommes surpris que sur un sujet aussi important, l’Ordre ne nous ait pas consultés au préalable », réagit le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) Jean-Baptiste Bonnet.

Professionnaliser les jeunes médecins

Calqué sur les assistants d’hôpitaux, ce nouveau statut libéral de ville permettrait, sur la base du volontariat, de venir en appui des professionnels d’un territoire en zone sous-dotée. « Cela existe à l’hôpital et en exercice ville-hôpital, et manque en ambulatoire », constate le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre. Il serait accessible dès l’obtention du diplôme d’études spécialisées (DES). Le tout dans le but de réduire la période entre la fin des études et l’installation, en moyenne de cinq ans aujourd’hui. 

« L’idée de cette réforme est de professionnaliser les médecins le plus vite possible dans leurs études, qu’ils aient un projet précis et qu’il n’y ait plus ce temps de latence », explique le Dr François Arnault, chargé des relations internes à l’Ordre. Le Cnom imagine des contrats de deux ou quatre ans. Une sorte « d’accélérateur de carrière ». L’assistant de territoire, encadré par des maîtres de stage expérimentés, exercerait dans des structures libérales, MSP ou regroupements virtuels de médecins.

Du côté des syndicats d’internes et de jeunes médecins, l’initiative ne séduit guère. « Elle ne répond pas à la problématique de la médecine générale aujourd’hui », regrette le Dr Yannick Schmitt, président de ReAGJIR, syndicat de jeunes généralistes et de remplaçants. « La question des stages en ambulatoire a déjà été résolue par la réforme du 3e cycle. La dimension de post-formation n’a pas de sens », précise-t-il. Les internes sont aussi sur la réserve. « On va se retrouver avec des débuts de carrière à deux vitesses : des internes diplômés qui exerceront directement en pleine compétence, et des assistants encore en formation », analyse Maxence Pithon, président de l’ISNAR-IMG.

Pour ce qui est de la rémunération, comme dans le système hospitalier, le statut proposé par l’Ordre, de deux ans minimum, permettrait aux jeunes médecins « de bénéficier des mêmes avantages que le secteur II », ajoute le Dr Arnault. En échange de cet engagement dans les territoires en tension, les jeunes médecins bénéficieraient d’avantages sociaux comme la protection maternité, et des mêmes droits de formation qu’un médecin libéral installé. Si l’Ordre n’avance aucune fourchette de salaire, le président Bouet précise : « Pendant deux ans, le médecin est présent sur un territoire, ce que nous considérons comme une mission de service public. L’État devra ainsi le rémunérer. D’autre part, ces professionnels seront rémunérés à l’acte. »

La crainte d’une précarité nouvelle

Les internes, eux, craignent que cette mesure soit, comme à l’hôpital, synonyme de « statut précaire », comme le dénonce Maxence Pithon. « C’est intéressant si on propose aux jeunes médecins un statut proche de ce que va être leur exercice quand ils seront installés. Or aujourd’hui, les assistants dans le public gagnent à peine plus d’un interne en fin de cursus. » Le Dr Yannick Schmitt s’inquiète aussi d’une rémunération « au lance-pierre ». Aujourd’hui, elle est autour de 2 500 euros brut par mois pour un assistant à l’hôpital. 

Pour faciliter la mise en place de ces nouveaux statuts, l’Ordre se dit prêt à « faire évoluer rapidement la réglementation ordinale », grâce au dépôt d’un décret devant le Conseil d’État. Selon le Dr Schmitt, la priorité serait plutôt de lever les freins réglementaires liés à l’exercice multisites, aujourd’hui « laissés à l’appréciation de chaque conseil départemental ».

Camille Roux

Source : Le Généraliste: 2824