Éditorial

Des héros... fatigués

Publié le 08/01/2016
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jean

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Crédit photo : Phanie

 

« Une nuit avec les héros de la santé »… Il aura sans doute fallu les attentats de novembre pour qu’en ce début d’année le petit écran consacre mardi – et en prime time s’il vous plaît ! – une émission entièrement consacrée à ceux qui soignent au quotidien. Occasion pour le téléspectateur de découvrir pêle-mêle un reportage sur le Samu de Necker, la recherche à l’Oncopole de Toulouse, la rééducation fonctionnelle en Bretagne à Kerpape et jusqu’à la visite à domicile d’un généraliste de Brive. Les critiques ne manqueront pas de relever que ce fut là une soirée à la Drucker, avec son lot de variétés et de stars du show-biz, histoire de tenir l’audimat. Mais, foin des pisse-vinaigre, on en retiendra dans l’ensemble des séquences qui sonnent plutôt vrai, après tout bien dans la vocation du service public de télévision.

Le contraste est saisissant pourtant entre cette célébration urbi et orbi – et presque béate – des blouses blanches et les difficultés du moment. Car, alors qu’enquête après enquête la cote des médecins ne se dément pas auprès du public, les blouses blanches n’ont pas le moral. Pas besoin de vous faire un dessin… Il suffit, par exemple, d’évoquer la photo presque grandeur nature rendue publique par l’Ordre mi-décembre pour se rendre compte que les 30 000 praticiens qui se sont exprimés sont diablement inquiets. Ironie du sort, le même jour, le geste fatal d’un cardiologue hospitalier de l’HEGP venait rappeler que, décidément, la vie de PU-PH était tout sauf un long fleuve tranquille… Un acte désespéré qui jette le trouble et devrait faire réfléchir, tant il est vrai que la prévalence du suicide reste chez les médecins plus forte que dans n’importe quelle corporation…

Le quotidien des fantassins de la médecine libérale est-il plus enviable ? Hélas, les résultats notre panel CMC inclinent plutôt à penser le contraire. À l’évidence, la base des généralistes n’espère plus grand-chose de l’année qui vient pour améliorer son quotidien. Un paradoxe, quand on sait que le Premier ministre a convoqué pour dans un mois une « grande conférence de santé » et que le patron de la Cnamts s’apprête à reprendre langue avec les syndicats en vue de définir avec eux une nouvelle convention. Alors que ces derniers relancent des actions tarifaires en ce début d’année, il faudra des trésors de patience et sans doute un peu de temps pour renouer les fils du dialogue entre médecins de ville et pouvoirs publics. Qui vivra verra…

 

Jean Paillard, directeur de la rédaction

Source : lequotidiendumedecin.fr