Coopération généralistes/infirmières

Asalée à bout de souffle ?

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Publié le 15/03/2024
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Faute d’accord avec la Cnam, l’association Asalée qui gère la formation et le recrutement des infirmiers pour les médecins généralistes libéraux pourrait mettre la clé sous la porte.

Programme d'exercices physiques supervisé par une infirmière Asalée dans la prise en charge du sujet âgé pour le maintien de l’autonomie

Programme d'exercices physiques supervisé par une infirmière Asalée dans la prise en charge du sujet âgé pour le maintien de l’autonomie
Crédit photo : GARO/PHANIE

L’association Asalée – Action de santé libérale en équipe – est dans la tourmente financière. Ses négociations avec la Cnam sont dans une impasse rendant incertaine la pérennité de ces protocoles de coopération entre généralistes et infirmières, qui ont pourtant fait leurs preuves depuis 20 ans, notamment sur le plan du tabagisme, des risques cardiovasculaires ou encore de l’obésité.

Subventionnée à hauteur de 95 % par l’Assurance-maladie, l’association – qui compte 9 155 médecins et 2 080 infirmières adhérents – perçoit 80 millions d’euros de dotation pour former et recruter les infirmiers Asalée. Ce montant est calculé pour 1 200 infirmières en équivalent temps plein (ETP), alors que l'association emploie en réalité 1 480 ETP, et que les besoins ne cessent de croître. « Le financement était déjà insuffisant pour payer la formation, la revalorisation des salaires des infirmiers et les indemnités des médecins sur leurs temps de coordination, explique la Dr Isabelle Rambault-Amoros, généraliste et présidente d’Asalée. Surtout, nous avons des milliers de médecins candidats au recrutement d’infirmiers. Comment les satisfaire ? ».

Ingérence

Sans un accord, l’association risque la faillite fin avril. Or, à ce stade, les propositions de la Sécu comportent plusieurs conditions jugées « inacceptables ». La question des lieux d’implantation des nouveaux infirmiers Asalée est source de frictions. « Nous sommes d’accord pour que les embauches se fassent prioritairement dans les zones déficitaires mais pas de façon exclusive », illustre la Dr Rambault-Amoros. La volonté de contrôle par la tutelle du travail et des missions des infirmiers est aussi problématique. La cofondatrice d’Asalée perçoit « une volonté d’ingérence de la Cnam dans le fonctionnement et la gestion de l’association ».

Deux décisions de la Cnam illustrent ce tour de vis. Elle a d’abord récupéré les réserves d'Asalée (à hauteur de 8 millions d’euros de fonds propres), essentielles au paiement des salariés et fournisseurs. En décembre 2022, elle a marqué son intention de ne plus financer les loyers des locaux prévus pour les infirmiers Asalée, arguant que cela ne fait pas partie de ses missions. « L’Assurance-maladie craint que le dispositif lui coûte trop cher », décrypte le Dr Jean-Christophe Nogrette (MG France), qui table sur un triplement de l’enveloppe nécessaire pour satisfaire les demandes des généralistes.

Maîtrise des prescriptions

En pleine négociation conventionnelle, le syndicat de généralistes est donc monté au créneau pour sauver ce dispositif dont l’impact a été jugé positif dans le suivi des patients chroniques et la maîtrise des dépenses. « Les protocoles de coopération Asalée ont permis de réaliser environ 10 % d'économies sur les prescriptions, les hospitalisations, les dépenses de soins », souligne la Dr Rambault-Amoros.

L’Assurance-maladie veut-elle modifier le modèle de gestion associative pour mieux en maîtriser les coûts ? Quoi qu’il en soit, ce changement serait un « mauvais calcul » car il risque de décourager le binôme médecin/infirmier au cœur de ce dispositif, alerte la présidente d’Asalée. « Les infirmières y trouvent leur épanouissement car elles ne sont pas sous la hiérarchie des médecins. Quant aux confrères, ils sont déchargés des charges administratives liées à l'embauche ».

De son côté, la Cnam continue d’afficher son soutien au déploiement d’Asalée « pour que ce service bénéficie au plus grand nombre ». La caisse souhaite même signer un accord de financement pérenne qui puisse « garantir le respect par l’association du bon usage de la subvention versée (…) et le respect des règles s’appliquant à toute organisation financée par des fonds publics ». Le bras de fer n’est pas terminé.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du Médecin