Alors que la menace d'ubérisation des soins primaires est prise très au sérieux par l'Ordre des médecins et l'Assurance-maladie, le modèle prôné par le groupe « Centres médicaux 7/7 », crée en 2005 dans le sud est de la France par le Dr Jérémy Chamoître se déploie en Bretagne. Déjà implanté à Quimper puis à Lanester cette année, ce cabinet médical sans rendez-vous et aux horaires étendus (9 heures à 22 heures, 7 jours sur 7) va ouvrir en janvier 2024 à Chantepie, une commune de 10 000 habitants de Rennes métropole. Le centre prévoit d'accueillir quatre médecins généralistes libéraux de secteur 1 conventionnés qui acceptent les patients bénéficiaires de la CMU (Complémentaire santé solidaire) et de l’AME (l’aide médicale de l’État).
Selon le Dr Antoine Langevin, l'un des trois porteurs du projet, le centre s'installera dans un local de 300 m2 comportant trois cabinets médicaux, deux salles de soins avec du matériel pour faire des petits gestes techniques urgents (ECG, oxygène…) et une grande salle d'attente avec une borne tactile où les patients prennent un ticket pour un ordre de passage. Dans ce cabinet, les patients viennent sans rendez-vous et il n'y a pas de secrétaire sur place. Néanmoins, le fonctionnement est identique à celui d'un cabinet classique avec une activité de médecine générale.
Pour démarrer, un seul médecin sera présent par jour, puis « selon le flux et les délais d'attente, ils seront deux, dont un qui travaillera de 9 heures à 18 heures ». « À l'ouverture, on aura entre 20 à 30 consultations par jour puis ce sera croissant, précise le Dr Langevin. À Lanester, ouvert en janvier 2023, on atteint 100 consultations par jour à deux voire trois médecins ». Selon le généraliste, ce modèle organisationnel séduit les jeunes médecins. « Ils ont un cabinet clé en main où ils n'ont pas à se soucier de l’administratif, de l’approvisionnement des salles de consultation et de soin, ou des problèmes informatiques », affirme-t-il.
Fragiliser la maison médicale de garde
Face à la création ex nihilo de ces centres médicaux 7/7, qui répond certes aux difficultés d'accès aux soins de la population bretonne, le président de l'URPS Bretagne, le Dr Thierry Labarthe reste très réservé. Sa première crainte concerne la permanence des soins ambulatoires (PDSA). L'ouverture du cabinet jusqu'à 22 heures permet certes de prendre en charge les soins correspondant aux horaires habituels des gardes. Mais, « leur intégration dans la continuité des soins est parcellaire. Ils font un petit bout de la PDS jusqu'à 22 heures puis ils ne font pas de visites à domicile », critique le Dr Labarthe. Par ailleurs, ce fonctionnement risque de fragiliser aussi les maisons médicales de garde ouvertes en général de 20 heures à minuit. « La création du centre sur Lanester a mis en difficulté la maison de médicale de garde qui était organisée depuis des années. J'ai peur que cela désintéresse les médecins qui font de la permanence de soins dans ces structures de garde car n'ayant pas de patients entre 20 heures et 22 heures ».
Autre crainte avancée par le patron de l'URPS : l'articulation du centre médical avec les autres acteurs locaux (médecins libéraux, SOS médecins, Samu…). « Entre les télécabines sauvages et les centres de soins 24/24, je préfère la présence de médecins sur le territoire qui ont une interconnexion avec leurs collègues, les autres professionnels de santé et les structures qui sont autour », explique le Dr Labarthe.
Des critiques aussitôt rejetées par le Dr Langevin. Pour le médecin, sa volonté est de travailler avec tous les médecins généralistes locaux et de s'insérer dans l'organisation locale. « On ne vient concurrencer personne. Notre but n'est pas d'enchaîner les consultations le plus rapidement, mais au contraire donner du temps aux médecins », justifie-t-il.
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