Enquête

Dans le Grand Est, les généralistes subissent quatre « lapins » par semaine en moyenne

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Publié le 18/10/2022
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L'URPS-ML Grand Est a mené une enquête auprès des médecins libéraux de sa région sur les consultations non honorées. Toutes les spécialités sont touchées et les praticiens appellent à des mesures sur le sujet.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

À l’heure où toutes les solutions sont bonnes pour optimiser le temps médical, la question des rendez-vous non honorés est un dossier épineux. Ces derniers pourrissent la vie des médecins qui dans un contexte d’exercice à flux tendu sont de plus en plus excédés par le temps perdu qu’ils représentent.

Lors des Journées du SML, au début du mois, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance maladie, rappelait ainsi qu’on « estime à 15 % le nombre de consultations perdues ».

L’URPS-ML du Grand Est a voulu quantifier le phénomène dans sa région en menant une enquête auprès médecins libéraux du territoire. Elle a proposé ce questionnaire en ligne sur le mois de mars dernier et a publié les résultats dans son bulletin d’actualité du 10 octobre.

517 médecins, dont 58,6 % de généralistes ont répondu à cette enquête.

Des nouveaux patients et des rendez-vous pris en avance

Premier enseignement de cette étude, tous les médecins (98,8 %) sont touchés par le phénomène. Pour trois quarts d’entre eux (73 %), ils connaissent d’un à cinq rendez-vous non honorés par semaine, pour un quart (25,5 %) la fréquence est plus élevée avec plus de cinq rendez-vous non honorés par semaine. Cette moyenne hebdomadaire peut néanmoins fortement varier selon la spécialité. Pour les généralistes, elle s’élève à 3,9 rendez-vous non honorés de moyenne par semaine. Les spécialités les plus impactées sont l’ophtalmologie (9), la radiologie (8,5) et la chirurgie viscérale (8,5).

Concernant la typologie de ces « lapins », les médecins interrogés constatent que dans 68,3 % des cas il s’agissait de nouveaux patients et pour 44,5 % de ces rendez-vous, ils avaient été pris plus de 15 jours auparavant. Les plateformes de prise de rendez-vous en ligne sont souvent pointées du doigt dans la recrudescence des lapins. Pourtant les médecins ne sont pas majoritaires (46 %) à estimer que leurs rendez-vous non honorés sont pris via une plateforme en ligne. Pour un tiers (32 %), ces rendez-vous ne sont même jamais pris en ligne.

Blacklister les récidivistes

L’incivilité est le motif principal identifié par les médecins comme raison à ces lapins. En effet, ils sont 72 % à considérer que les patients ne sont pas venus au rendez-vous simplement par manque de considération, 66 % évoquent un oubli. Certains soulignent également le fait que les patients pratiquent la prise de rendez-vous multiples afin de réduire les délais d’attente.

Ce phénomène qui n’épargne aucun médecin n’est pas sans conséquence puisqu’il a un impact sur leur temps de travail. D’après l’enquête, près de 60 % des médecins estiment entre 15 et 30 minutes le temps perdu dans la journée. 44,5 % jugent également que les rendez-vous non honorés ont un impact important sur leur organisation du travail.

Alors que font-ils pour s’en prémunir ? Si plus d’un quart (26,5 %) déclare ne rien mettre en place, pour la plupart il s’agit d’un ensemble de mesures qui est déployé : rappel téléphonique, SMS, mail, etc. Une majorité (51,6 %) a aussi été contrainte de mettre en place des mesures plus radicales et de blacklister ces patients après un ou deux avertissements.

Mais au-delà des actions qu’ils peuvent mener individuellement, les médecins souhaitent la mise en place d’actions sur ce sujet. Ils sont globalement (89 %) favorables à une sensibilisation des patients sur le sujet par des campagnes : à la télévision ou la radio (70,2 %), un affichage dans le cabinet (57,3 %) ou dans la presse (48,2 %). D’autres appellent également à aller plus loin et proposent l’application de pénalités financières pour ces patients, des signalements automatiques aux caisses et mutuelles, un blocage de la prise de rendez-vous en ligne ou encore permettre un prépaiement optionnel ou un forfait d’annulation pour que le professionnel de santé soit indemnisé.

En juillet dernier, une pétition en ligne, lancée par un radiologue libéral de Rouen, réclamait déjà un droit à la facturation pour ces consultations non honorées. Elle a récolté à ce jour plus de 8 500 signatures.

Sans trancher la question, l’URPS-ML Grand Est considère en tout cas que « ce sujet très délicat conduit malheureusement à trop de tergiversations ». « Il faut impérativement limiter le grand gâchis du temps médical perdu (…) Le but n'est pas de sanctionner le patient mais de l'amener à prendre conscience des répercussions néfastes de ses actes envers le médecin et le collectif d'offres et d'accès aux soins », poursuit-elle.


Source : lequotidiendumedecin.fr