LE QUOTIDIEN : Votre congrès à Lille avait convié pour l’ouverture la nouvelle ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq mais aussi des anciens ministres comme Martine Aubry et Xavier Bertrand… Vous espériez vraiment faire dialoguer tout ce beau monde ?
DR PATRICK GASSER : Certes, l’affiche espérée était amusante ! Malheureusement, nous ne parviendrons pas à réunir tout le monde. Madame la ministre Geneviève Darrieussecq devrait faire une intervention à nos Rencontres en visio. Xavier Bertrand a ses propres obligations ailleurs mais nous aurons quelqu’un de son cabinet. Quant à la maire de Lille, nous n’avons toujours pas de retour… Alors que nos journées sont une véritable occasion pour les responsables politiques d’échanger avec la médecine libérale en souffrance, je trouve dommage que nous ne puissions pas dialoguer directement.
D’autant que vous allez présenter les contributions inédites de votre syndicat pour améliorer l’accès aux soins…
En effet, à l’occasion de ces journées, Avenir Spé présentera son « Manifeste pour un meilleur accès aux soins ». Un document de trente pages qui livre des propositions concrètes et originales à destination des usagers, pour la réorganisation des professionnels et un meilleur service.
Je précise que ces propositions ne comporteront aucune demande d’accompagnement financier. Notre problématique première n’est pas la rémunération. À ma connaissance, nous sommes la seule organisation syndicale à faire œuvre de telles propositions publiques.
Que proposez-vous ?
Avenir Spé a souhaité d’abord mettre en avant deux impensés, deux « trous noirs » de notre organisation sanitaire, le handicap et la santé mentale. Deux champs dans lesquels la médecine de spécialités a un rôle particulier et prépondérant à jouer. Nous voulons porter une attention particulière aux « oubliés du système » : personnes fragiles sur le plan mental, en situation de précarité, porteuses d’un handicap, etc.
Par exemple, on se pose la question de savoir comment sensibiliser les gens au handicap, qui concerne 12 millions de Français. Aujourd’hui, presque personne ne sait à quoi ressemble le pictogramme S3A (accueil, accompagner, accessibilité). Il suffirait que chaque médecin spécialiste l’affiche dans son cabinet médical. La prise en charge du handicap n’est pas une priorité de notre profession et cela me bouscule. Il faut reconnaître que les soignants sont peu ou mal formés à ces questions. Or, l’inclusion est une valeur et un levier de transformation.
Et en ce qui concerne la santé mentale, les populations les plus touchées sont les jeunes, les femmes, notamment les femmes enceintes et en post-partum et les personnes âgées. Il est temps d’agir, au moment où le Premier ministre fait de ce sujet la grande cause 2025.
Pour la santé mentale, quelles évolutions suggérez-vous ?
Chez les jeunes, nous proposons un test de dépistage systématique pendant les consultations obligatoires des enfants. Autre mesure : des consultations gratuites, réalisées par les médecins libéraux, pour les étudiants, dans le cadre d’une campagne nationale portée par l’État. Chez les femmes enceintes ou en post-partum, il s’agirait de faire un questionnaire simple d’évaluation psychiatrique, systématiquement, avant et après l’accouchement.
Et pour les personnes âgées, on propose de mettre en place une formation continue pour l’ensemble des soignants sur ces sujets, et le développement de la télé-expertise avec les gériatres dans le cadre du repérage.
Et au-delà de ces deux causes ?
Avenir Spé prendra sept engagements, dont la facilitation de l’accès aux spécialistes concernant la réduction des délais de rendez-vous, la création de structures de soins (pôles de spécialités) adaptées aux besoins des usagers, l’essor de l’éducation thérapeutique du patient (ETP), le bon usage du médicament, la coopération des soignants, le dépistage et la prévention des populations fragiles.
Nous présenterons ce document détaillé samedi prochain, notamment au directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, qui sera présent à la table ronde dédiée à ce sujet.
Donc pas de discussions sur le secteur 2 pour tous, la liberté tarifaire ou la future CCAM technique ?
Ces journées ne sont pas là pour faire de la revendication ou du corporatisme ! On le fait toute l’année et plus particulièrement quand on négocie la convention. La priorité aujourd’hui est ailleurs. La problématique d’aujourd’hui est l’accès aux soins et la qualité des prises en charge. Au principe des 3E (évaluation, expertise, efficience), Avenir Spé en propose un 4e, celui de l’engagement des professionnels de santé.
Pendant ces journées, on parlera donc “territoires” et “responsabilité territoriale” ; “maillage social” et “responsabilité populationnelle” même si j’aime moins ce dernier terme parce qu’il a été défini par la FHF et qu’il est centré sur les établissements publics. Mais on parlera aussi de la mise en place des stages en libéral, de la manière de porter les équipes de soins spécialisés (ESS). Dans les trois ans, il faut parvenir à installer une ESS dans au moins cinq spécialités par département ou par région !
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins