Médecins-conseils de recours, une activité tournée vers les victimes

Publié le 26/04/2024
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Suite à un accident, les victimes de dommages corporels doivent rencontrer un médecin d’assurance chargé d’évaluer les préjudices subis et le montant du dédommagement. Elles peuvent aussi être accompagnées d’un médecin-conseil de recours pour faire valoir leurs droits plus efficacement.

Le médecin-conseil de recours ne travaille que pour la victime

Le médecin-conseil de recours ne travaille que pour la victime
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Que ce soit suite à un accident de voiture, une agression ou encore une erreur médicale, une personne victime de dommage corporel peut prétendre à une indemnisation à hauteur des préjudices subis. La procédure prévoit l’évaluation des dommages par un médecin expert nommé par la compagnie d’assurance pour procéder à une expertise médicale. Au cours de cet examen, la victime peut être accompagnée par un médecin-conseil de recours si elle en fait la demande. Or « au moins 8 personnes sur 10 ne sont pas assistées lors de cette expertise et y vont seules », déplore Patrice Stern, président de l’Association nationale des médecins-conseils de recours (ANMCR). La présence d’un médecin-conseil fournit un soutien à la victime et s’assure du bon déroulé de l’expertise.

Cette pratique à cheval entre le médical et le juridique s’adresse à tous les médecins quelle que soit leur spécialité. « Ce sont souvent des médecins qui ont envie de diversifier leur activité », détaille le président de l’ANMCR. Pour exercer dans cette discipline, les candidats doivent être diplômés en réparation juridique du dommage corporel. Ils suivent alors la même formation que les médecins experts judiciaires, nommés par un juge dans le cadre d’une procédure judiciaire, ou des médecins de compagnie d’assurances. À la différence de ces deux dernières spécialités, le médecin-conseil de recours ne travaille que pour la victime. Il lui apporte son expertise médicale et s’assure surtout qu’aucun aspect d’un préjudice subi n’a été oublié et que l’évaluation a bien été impartiale.

Ce sont souvent des médecins qui ont envie de diversifier leur activité

Patrice Stern
Président de l’ANMCR

Assister la victime

Dans cette optique, le médecin-conseil de recours forme un duo complémentaire avec l’avocat de la victime dont le rôle consiste à « traduire financièrement, avec le gestionnaire du sinistre, l’expertise médico-légale des médecins afin d’indemniser la victime », détaille Patrice Stern. Dans une procédure de dédommagement, cette double présence aux côtés de la victime est essentielle pour faire respecter le caractère contradictoire médico-légal de la démarche en défendant les intérêts de la victime et en apportant l’évaluation la plus juste du dommage et assure ainsi une indemnisation équitable.

Cette assistance se manifeste à toutes les étapes de la procédure d’évaluation. Le médecin-conseil de recours intervient en effet avant même la consultation d’expertise auprès de la victime pour l’aider à préparer le dossier. Il s’agit alors de rassembler les éléments rendant compte de l’accident ou de la maladie à dédommager et qui sont nécessaires à l’évaluation. Le médecin-conseil reçoit la victime, recueille ses doléances, procède à un examen clinique et évalue médicalement l’ensemble des préjudices selon la classification de la nomenclature Dintilhac, un outil référençant l’ensemble des préjudices corporels indemnisables. « Cette nomenclature définit des postes de préjudices qui distinguent ce qui touche aux loisirs, à la vie professionnelle ou à la sexualité par exemple », détaille le docteur Stern.

Certaines expertises amènent le médecin-conseil à travailler avec d’autres professionnels du monde de la santé comme des orthoprothésistes ou des ergothérapeutes par exemple afin d’avoir une vision d’ensemble du cas étudié.

Une fois cette évaluation effectuée, le médecin-conseil assiste la victime au moment de l’expertise médicale. Il fournit à l’expert mandaté par la compagnie d’assurances les éléments réunis avec la victime et participe à l’examen clinique. Il s’assure alors que l’évaluation est bien impartiale mais aussi qu’aucun aspect du préjudice n’a été oublié. Après la procédure, il est aussi là pour expliquer à la victime les conclusions rendues par l’examen d’expertise.

Une activité chronophage

« C’est une activité très chronophage et les procédures peuvent être longues », témoigne le docteur Patrice Stern. Il faut avant tout étudier précisément le dossier, « certains, en judiciaire, font plus de 500 pages », précise le président de l’ANMCR. Les délais peuvent aussi être longs. Les compagnies d’assurances ont quatre à cinq mois pour proposer une indemnisation à la victime une fois le rapport définitif établi. Les procédures peuvent néanmoins s’étaler sur une année au minimum si les discussions entre l’avocat et l’assureur n’aboutissent pas rapidement ; cela peut prendre jusqu’à trois ans dans le cas d’une procédure judiciaire.

« Malgré tout, certains médecins-conseils parviennent à trouver un équilibre entre leur activité de soins et les expertises médico-légales, affirme le docteur Stern. Cela permet de garder un contact avec la vie réelle ». Car les doléances des victimes sont différentes des demandes des patients et le médecin-conseil ne donne aucun soin. Cela reste malgré tout une activité médicale à part entière qui nécessite « de l’écoute et de l’empathie et un savoir-faire propre à ce domaine de compétence », conclut le médecin-conseil.

Antoine Vergely

Source : Le Quotidien du Médecin