Exercice

Ni trop, ni trop peu… Voici les collaborateurs libéraux !

Publié le 01/03/2013
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Près de 2 000 généralistes ont désormais opté pour ce nouveau statut inventé en 2005. Ce sont presque toujours des jeunes, souvent des femmes, fréquemment des praticiens à temps partiel… Même si un bon nombre d’entre eux finissent par s’installer, cela reste, pour la majorité, du provisoire qui dure. Faute de successeurs, leurs aînés s’accommodent aussi de cette situation. Enquête sur un statut « tendance ».

Jeunes et des rêves plein la tête, ils ont choisi de signer pour un projet professionnel… à durée déterminée. Inventée en 2005 dans une relative indifférence, la collaboration libérale, peu connue il y a encore quelque temps semble, en effet, commencer à trouver preneur. Ils sont aujourd’hui 2 449 médecins à exercer en France sous ce statut. Largement investi par les médecins généralistes, qui occupent 73 % des postes actuels (soit 1 788 praticiens sous contrat), le dispositif apparaît presque comme une étape quasi « incontournable » à franchir dans le parcours d’un jeune médecin qui souhaiterait tenter l’aventure de l’association, après le remplacement. Un dispositif séduisant qui, comme le salariat (lire notre dossier), a le vent en poupe

D’après les chiffres fournis par l’Ordre des médecins, près de 4 000 contrats ont été signés ces trois dernières années : seulement un quart des collaborateurs libéraux a décidé de s’installer à l’issue de son contrat. Car le statut fait surtout recettes auprès des jeunes – la moyenne d’âge des collaborateurs libéraux est de 38 ans – et des femmes (65 % contre 35 % d’hommes). « Cela fonctionne plutôt bien auprès des jeunes. On a le sentiment qu’une majorité des nouveaux installés passe par cette étape intermédiaire », confirme la porte-parole de ReAGJIR, Bérengère Crochemore. « Il y a eu un gros boom il y a cinq ans », affirme de son côté, le président de la CSMF Jeunes, François-Charles Cuisigniez.

Alors pourquoi un engouement aussi inattendu ? C’est peut-être la souplesse du dispositif qui l’explique. À la différence du remplaçant, le collaborateur libéral peut travailler en même temps que l’installé sans pour autant s’engager financièrement dans l’association. Dispensé de la gestion administrative du cabinet, le collaborateur libéral doit en échange verser une rétrocession de son activité dont le pourcentage devra être inscrit sur le contrat. Libre, il peut également décider de partir à tout moment moyennant un délai de préavis.

Autre avantage par rapport au remplaçant : le collaborateur libéral peut devenir médecin traitant et se constituer sa propre patientèle. « Les jeunes sont contents de ce statut car c’est une solution assez simple pour travailler à mi-temps, au sein d’un cabinet de groupe déjà constitué et sans avoir à s’occuper de tout ce qui est paperasse », explique le Dr Cuisigniez.

Le hasard... et la nécessité

En réalité, chacun voit midi à sa porte. Pour Laetitia Rau, qui va dans deux semaines signer son premier contrat de collaborateur libéral, ce statut est aussi une « expérience de stabilité ». Remplaçante dans un cabinet à la porte des Lilas (Seine-Saint-Denis), la jeune médecin aurait bien continué comme ça si l’Ordre du 93 ne lui avait pas imposé ce contrat en raison du nombre de jours effectués. « Après avoir fait plusieurs remplacements dans différentes régions de France, c’était l’occasion pour moi de poser un peu mes valises. On verra pour la suite », lâche-t-elle.

À plusieurs centaines de kilomètres de là, c’est un avenir plus clair qui se dessine pour Pierre Chaput. Collaborateur libéral depuis un an dans un cabinet à Cournon, en Auvergne, le généraliste a lui même parlé de cette option au médecin installé. « Cela faisait deux ans que je le remplaçais pendant ses vacances, cela se passait bien, il m’a donc proposé de faire ce contrat en vue de reprendre sa patientèle après son départ en retraite », expose-t-il. Une « étape » supplémentaire pour le jeune praticien qui lui permet d’apprendre petit à petit les rouages de l’installation avant de sauter le cap.

À 31 ans, Cécile Pivert s’est, quant à elle, lancée dans l’aventure après plusieurs années de remplacement dans un cabinet situé à Becherel en Bretagne. « J’ai préféré d’abord exercer sous le statut de collaborateur libéral car j’avais envie de garder ma liberté. Je trouve cela rassurant ». « Mais attention, prévient-elle, les démarches administratives au début sont les mêmes que pour l’installation. Pour la Sécu par exemple, je suis installée. Après ce qui change c’est la gestion au quotidien, où l’on n’a pas à s’occuper de l’aspect financier ».

Du côté des généralistes installés, l’expérience est souvent vue comme une aubaine, faute de trouver d’emblée un successeur, une solution face à une suractivité et parfois même comme un pari sur l’avenir… « Nous étions débordés et nous avions envie d’être un peu soulagés, et comme notre remplaçante ne voulait pas s’installer, on a pensé au statut de collaborateur libéral », se souvient le Dr Dominique Pion-Faisant qui travaille avec Cécile Pivert depuis plusieurs années. Si la généraliste est très satisfaite de cette collaboration, elle ne cache pas en revanche son envie de voir la jeune médecin s’installer un jour. Car la question de l’installation reste évidemment au cœur du problème.

Le dispositif a en effet été pensé pour favoriser l’installation ultérieure du collaborateur libéral, mais, sur le terrain, la réalité est parfois différente. Installé depuis une vingtaine d’années avec son associé à Pamiers (Ariège), le Dr Bernard Dauptain cherche depuis longtemps un successeur. Après avoir accueilli une première collaboratrice libérale restée trois ans, celle-ci a décidé de ne pas rester pour des raisons géographiques avant de s’installer tout de même en libéral dans une autre ville. « Nous recherchions une personne supplémentaire pour nous aider dans notre activité et nous avions pensé à l’époque, comme nous étions deux hommes, qu’un élément féminin dans notre cabinet serait une bonne chose », se souvient-il.

Il y a cinq mois, le généraliste renouvelle l’expérience sans garantie d’installation future. « Elle nous a avertis dès le départ. C’est pour des raisons personnelles qu’elle ne peut pas s’installer avec nous. J’aurai bien vu ma collaboratrice actuelle prendre ma succession car je vais prendre ma retraite. Cela aurait permis une transition convenable », regrette le praticien sans pour autant critiquer le dispositif.

Entre installé et collaborateur, on s’adopte… et on s’adapte !

Dans l’Eure, la chance a, au contraire, souri au Dr Emmanuel Hazard, généraliste associé dans un cabinet de six médecins. « La première collaboratrice libérale que nous avons recrutée a pris la succession de l’un des médecins qui partait à la retraite ; la deuxième a, en revanche, décidé de ne pas rester mais a quand même sauté le pas de l’installation en ville », explique le généraliste normand. Installé à Romilly-sur-Andelle en zone semi-rurale, le Dr Hazard défend avec conviction le statut de collaborateur libéral qui n’a selon lui que des « avantages ». Avec ses associés, ils ont d’ailleurs renouvelé l’expérience. La troisième recrue est arrivée il y a tout juste un an. Après avoir réalisé plusieurs remplacements au sein du cabinet, le Dr Julien Henry a opté pour ce statut qui selon lui « prépare à l’installation ». « Cela change les relations que l’on a avec les patients. C’est vrai que c’est une motivation pour rester et s’investir plus dans la structure », se réjouit le jeune médecin. Envisagerait-il pour autant de s’installer ? « Il y a un médecin qui va partir en retraite dans trois ans, on verra ensuite comment va évoluer la structure ».

L’adaptation est donc de rigueur aussi pour les médecins installés. Surchargés, certains ont fait une croix sur un successeur définitif. C’est le cas de Marie-Cécile Brethenoux, épuisée et inquiète des nombreux départs à la retraite qui se profilent dans son département. Installée à Chabanais (Charente), la généraliste a récemment déposé une annonce sur Internet : « Cherche associé ou collaborateur libéral ». Elle a d’abord pensé à ce statut « parce que la féminisation croissante de la profession pousse un bon nombre de jeunes médecins à choisir cet exercice plus souple et qui ne demande pas d’investissement financier. Elles ont souvent des époux qui ont des mutations professionnelles et sont donc plus attirées par ce type de contrat où le médecin peut s’en aller à tout moment après préavis ».

Miroir de l’exercice libéral de demain, le statut de collaborateur libéral, qui permet à la fois de conserver sa liberté et de travailler à temps partiel, intéresse aussi les hommes. Les femmes ne sont plus les seules à vouloir s’occuper de leurs enfants comment en témoigne ce jeune médecin généraliste. Collaborateur libéral à Bonne (Haute-Savoie), le Dr Sébastien Viaud exerce avec trois autres praticiens. « Je ne sais pas encore si je vais rester dans la région, mais ce qui est aussi intéressant pour moi, c’est de pouvoir me réserver quelques journées de liberté pour m’occuper de mes enfants. C’est une condition sine qua non, même après ma future installation », prévient le généraliste.

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Dossier réalisé par Caroline Laires-Tavares, caroline.laires-tavares@gpsante.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr