Traque aux IJ : face à la « tambouille » de la Cnam, MG France rue dans les brancards

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Publié le 22/11/2023
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Crédit photo : Sébastien Toubon

Démonstration et chiffres à l’appui, c’est avec un esprit particulièrement combatif que MG France a organisé ce mercredi matin (à quelques heures de la première rencontre conventionnelle « Focus » consacrée à la médecine générale), une conférence de presse sur la chasse aux généralistes gros prescripteurs d’arrêts de travail lancée au mois de juin par la Cnam. Dans le collimateur de la caisse, un millier de médecins jugés surprescripteurs. Ce mouvement s’inscrit dans une vaste traque à la fraude sociale et fiscale menée par les pouvoirs publics. Bercy estime à 10 milliards d’euros le gisement d’économies potentiel total, dans un contexte de déficit généralisé du budget de la Sécu.

Maldonne statistique

Sauf que. En ce qui concerne les généralistes, les dés seraient pipés. Depuis plusieurs mois, MG France, ainsi que les autres syndicats médicaux, accusent les services de la Cnam de faire leur propre « tambouille » avec les statistiques. « Nous avons l’habitude de défendre aussi les médecins qui prescrivent beaucoup d’indemnités journalières dans le cadre de nos activités syndicales, leur profil général nous est connu », explique la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. Là, ce qui a alerté son syndicat, « c’est qu’avec les médecins traitants contactés par la caisse depuis l’été, ce profil habituel avait complètement changé », poursuit le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat de généralistes. En l’occurrence, des médecins aux prescriptions « vertueuses » qui ont toujours été dans les clous et qui se voient désormais reprocher un montant d’IJ aberrant. La faute à la Cnam qui « redresse » ses « stats » pour ne comparer que des activités comparables au niveau national. Mais omet ce faisant de tenir compte du profil spécifique de la patientèle de ces médecins (taux important de patients souffrant de pathologies chroniques et/ou avec la complémentaire santé solidaire). Un oubli qui fausse totalement la donne.

La preuve par le Riap

C'est ce qu’explique le Dr Nogrette en s’appuyant sur un exemple de relevé individuel d’activité et de prescription (Riap). Fictif en l’occurrence. Prenons l’exemple d’une jeune femme médecin exerçant en zone urbaine dont la patientèle est majoritairement féminine et dont l’activité est principalement gynécologique. Le nombre de ses IJ prescrites relevé par l’Assurance-maladie est situé à environ 7 000, il est vrai au-dessus de la moyenne régionale située à environ 2 200 (voir flèches rouges). Mais encore très (très) loin des 11 000 IJ que relèverait la Caisse qui, ne tenant pas compte de son fort taux de patients en ALD et en C2S, comparerait le profil de cette praticienne à celui d’un généraliste rendu statistiquement « lambda », à la patientèle standardisée.

 

Double effet pervers

Une méthode de calcul qu'a aussi révélée la FMF au Quotidien et que la Sécu n'a pas contesté. Et qui n’est pas sans laisser des traces au sein de la profession. Pour l’heure, MG France évalue à environ 300 le nombre de praticiens visés par une procédure de mise sous accord préalable (MSAP). Unanimes, l’ensemble des centrales syndicales recommandent à tous les médecins ayant reçu un courrier de leur caisse de refuser la procédure de mise sous objectif (MSO) pour lui privilégier celle de la MSAP. « En attendant, insiste Agnès Giannotti, ces accusations à l’encontre de médecins consciencieux qui ont à cœur de soigner au mieux leurs patients font de gros dégâts psychologiques chez beaucoup ». Autre effet pervers, certains envisageraient même de déplaquer. Et la Dr Giannotti d’enfoncer une dernière fois le clou. « Ce management toxique par la peur fera sans doute baisser les prescriptions d’IJ pendant un temps, avec pour victimes les patients qui ont besoin d’arrêt maladie ». Un sujet de conflit à régler au détour des négociations conventionnelles qui viennent de reprendre ?


Source : lequotidiendumedecin.fr