Jeunes médecins et remplaçants

Le contrat unique de début d’exercice, nouvelle arme anti-déserts

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Publié le 02/04/2021
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Plus lisible et plus incitatif, le nouveau contrat de début d’exercice (CDE) vise à faciliter l’installation progressive des jeunes médecins dans des zones sous-médicalisées, en échange d’une garantie de revenus et d’une protection sociale améliorée. Une réforme qui doit sécuriser l’entrée redoutée en libéral.
Pour être éligible au CDE, il faut exercer en secteur I ou adhérer à l'OPTAM (tarifs maîtrisés)

Pour être éligible au CDE, il faut exercer en secteur I ou adhérer à l'OPTAM (tarifs maîtrisés)
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Cela pourrait être enfin la bonne recette pour réconcilier la nouvelle génération avec l’exercice libéral dans des territoires fragiles. Inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2020, le contrat de début d’exercice fusionne et remplace les quatre dispositifs incitatifs existants ayant montré leurs limites : praticien territorial de médecine générale (PTMG), praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA), praticien territorial médical de remplacement (PTMR) et praticien isolé à activité saisonnière (PIAS). Objectif : encourager des centaines de jeunes médecins à sauter le pas de l’installation libérale dans les zones sous-dotées ou limitrophes, en clarifiant les règles du jeu et en sécurisant cette période si délicate d’entrée dans la carrière (grâce à un complément de revenus, une protection sociale améliorée et un accompagnement).

En pratique, ce contrat unique, conclu pour une durée de trois ans et non renouvelable, se destine aux praticiens installés en cabinet libéral depuis moins d’un an, mais aussi aux remplaçants (thésés depuis un an maximum) ou collaborateurs libéraux et aux étudiants remplaçants.

Éviter les médecins mercenaires

En contractualisant avec l’agence régionale de santé (ARS), le jeune médecin s’engage à exercer au minimum cinq demi-journées par semaine en zone sous-dense, s’il est installé en cabinet ou en qualité de collaborateur libéral, et au minimum 29 journées par trimestre en tant que remplaçant (dont au moins 80 % dans ces secteurs fragiles). Sont ciblées les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’aménagement concerté (ZAC), y compris dans un rayon de 10 km.

Le signataire doit exercer en secteur I ou être adhérent à l’option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM). Autre prérequis : au moment de parapher son contrat (ou dans les deux ans), le médecin doit s’inscrire dans une démarche d’exercice coordonné (équipe de soins primaires, maison de santé ou communauté professionnelle territoriale de santé). « Le conditionnement du contrat à un exercice coordonné évite les médecins mercenaires qui voudraient uniquement une aide », décrypte le Dr Sophie Augros, conseillère médicale soins primaires et professions libérales à la DGOS (ministère), dont le rapport de référence sur les aides à l’installation fut à l’origine de ce dispositif. « Les ARS doivent vérifier que le projet professionnel du jeune s’inscrive dans un objectif de pérennisation de l’offre de soins, dans un exercice coordonné », ajoute-t-elle.

Jusqu’à 4 250 euros de complément pour un généraliste

En contrepartie, le médecin bénéficie d’une garantie de ressources dès le premier mois, un système sécurisant censé accompagner la montée en charge de la patientèle. Le contrat procure ainsi un complément de revenus pendant toute la première année : son montant, variable, est égal à la différence entre un plafond forfaitaire mensuel (ou trimestriel pour les remplaçants) et les honoraires réellement perçus, sachant qu’il faut aussi justifier d’un niveau minimum activité.

Par exemple, pour un jeune généraliste installé ou collaborateur libéral en métropole, le montant minimal d’honoraires requis oscille entre 2 350 et 4 250 euros par mois en fonction de la durée d’engagement (5 à 9 demi-journées par semaine). Le plafond forfaitaire mensuel se situe entre 4 700 et 8 500 euros en médecine générale et entre 4 700 euros et 9 500 euros pour les autres spécialités. Sur ces bases, le complément de revenus peut ainsi atteindre 4 250 euros maximum pour un généraliste exerçant 9 demi-journées par semaine en zone fragile. Et un remplaçant pourra percevoir jusqu’à 3 000 euros d’aide complémentaire par trimestre, selon un schéma similaire.

Autre avantage, réclamé de longue date : un droit aux congés maladie, équivalent à 70 euros par jour, à partir du 8e jour d’absence (et jusqu’au 90e) pour tous les signataires. Une aide en cas de congé maternité/paternité/adoption est prévue pour les remplaçants, équivalente à 100 euros par jour. L’ARS s’engage par ailleurs à accompagner les jeunes dans leur gestion entrepreneuriale et administrative du cabinet.

« Le libéral fait peur »

L’arrivée du CDE est saluée par les structures représentant les internes et remplaçants. Morgan Caillault, président de l’Intersyndicale nationale représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), se félicite de la garantie de revenus pour la première année. « Le libéral fait peur car on change de mode de rémunération. L’aide financière à l’installation est sécuritaire, ce contrat permettra de résoudre le premier frein », argumente l’interne. Également convaincue, le Dr Tiffany Bonnet, membre du bureau national du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), souligne la « plus-value » de la protection sociale. « Il y a très peu de médecins qui sont assurés dès le 8e jour d’arrêt de travail car cela fait monter les primes de prévoyance en particulier pour les non thésés. Là au moins, les remplaçants qui font l’effort d’aller dans les zones sous denses en bénéficient, c’est indispensable. »

Ce dispositif « simple » et « souple », jurent les tutelles, ambitionne de mieux accompagner les jeunes dans leur projet d’installation. « Le contrat de début d’exercice n’est pas une aide financière au sens strict du terme. C’est aussi du temps pour se faire connaître, prendre ses marques dans le territoire et repérer les confrères avant de s’engager dans une activité soutenue », assure Marine Chauvet, directrice adjointe soins de proximité et formation en santé à l’ARS Bretagne. Elle précise qu’il n’y aura plus aucun « quota » de contrats signés dans chaque région. « Tant qu’il y aura de la demande, on assurera ».

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin