Négociations conventionnelles

Médecins libéraux : bras de fer estival sur les tarifs ?

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Publié le 28/05/2021
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Les élections aux URPS ayant rendu leur verdict, la profession remonte au front dans la perspective de la reprise des négociations autour de l'avenant 9 à la convention médicale. Les revalorisations restent le principal cheval de bataille, à moins d'un an de la présidentielle.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

L'Assurance-maladie devrait relancer mi-juin les discussions sur l'avenant 9 à la convention — une fois connue la liste officielle des syndicats de praticiens libéraux autorisés à participer aux négociations, au terme de l'enquête de représentativité. 

À l'automne 2020, ce texte « fourre-tout » prévoyait des avancées sur les soins non programmés, les visites gériatriques, la revalorisation ciblée de plusieurs spécialités cliniques au bas de l'échelle des revenus mais aussi diverses mesures concernant la télé-expertise, les consultations handicap ou l'évolution des contrats (OPTAM et OPTAM-CO) de modération tarifaire (encadré). 

Ce round conventionnel avait été mis « sur pause » à la fin de l'année dernière, en raison de la campagne électorale chez les médecins libéraux. Interrogé à l'époque par « Le Quotidien », Thomas Fatôme, directeur général de la CNAM, avait estimé « avoir poussé les murs », y compris sur le cadrage financier. « Nous avons mis sur la table un projet d’avenant à plus de 550 millions d’euros, ce qui dépassait largement l’enveloppe initiale. Pour un avenant conventionnel, c’est un montant considérable », avait-il plaidé, sans parvenir à aboutir à un compromis. 

Bilatérales discrètes

Les élections professionnelles étant achevées, le DG doit composer avec ce nouvel échiquier, le poids renforcé des syndicats monocatégoriels – MG-France chez les généralistes et Avenir Spé-Le BLOC pour les spécialistes – mais aussi l'arrivée dans le jeu de l'UFML-Syndicat, à coté des centrales historiques (CSMF, SML et FMF). 

La voie est étroite. Dans la perspective d'un accord majoritaire avec la médecine de ville, au front depuis des mois, difficile d'imaginer la CNAM proposer un simple statu quo en recyclant le « paquet financier » de décembre 2020. La profession réclame de longue date un vrai « Ségur de la médecine ambulatoire », à l'heure où le gouvernement égrène les annonces et les milliards en direction du secteur hospitalier, qu'il s'agisse des revalorisations des personnels, de l'investissement ou de la reprise de dette.    

Selon nos informations, au moins trois centrales ont rencontré l'Assurance-maladie lors de récentes bilatérales informelles. Arrivée en tête en nombre de voix et de sièges totaux, la CSMF a averti le patron de la CNAM. « Pas question de signer l'avenant 9 avec l'enveloppe précédente. » L'union syndicale Avenir Spé-Le BLOC, leader chez les spés, fait aussi monter les enchères car nul ne sait quand le train repassera. « Comme la loi a repoussé l'échéance de la convention jusqu'en 2023, cet avenant doit permettre d'accompagner la profession sur deux ans ! Or aujourd'hui, l'enveloppe prévue est insuffisante. Elle devrait être le double, soit un milliard d'euros », évalue le Dr Patrick Gasser, gastro-entérologue, président d'Avenir Spé. 

Visites : des tarifs lisibles

À un de l'élection présidentielle qui ouvrira une nouvelle séquence politique et conventionnelle, l'effort doit permettre de revaloriser sans tarder certains actes « marqueurs » de la médecine libérale et du virage ambulatoire. 

Du côté des généralistes, l'augmentation du tarif des visites est la priorité, à défaut de hausse uniforme de la consultation. Mais les mesures proposées par la caisse sont jugées à la fois insuffisantes et peu lisibles, avec des niveaux de tarifs variables en fonction de l'âge. « Il faut que cela ait du sens et soit simple, recadre le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Nous souhaitons atteindre par exemple un tarif de 70 euros pour tous les patients qui ne sont pas en capacité de se déplacer, ceux qui ont une prescription de transport. » 

Une autre revendication majeure concerne la rémunération des médecins régulateurs d'une part et effecteurs d'autre part, dans le cadre de la prise en charge des soins non programmés, ces millions de consultations annuelles imprévues qui relèvent de la médecine de ville. Alors que la caisse proposait fin 2020 de payer 85 euros de l'heure l'engagement des régulateurs, plusieurs syndicats visent le tarif horaire de 100 voire 125 euros, déjà pratiqué dans certaines régions. Quant aux médecins effecteurs, la piste jusque-là étudiée de forfaits trimestriels progressifs et plafonnés selon le nombre d'actes réalisés n'a pas fait recette. « Il faut accorder une majoration de 15 euros pour le médecin qui a mis des créneaux à disposition du service d'accès aux soins », avance le président de MG France. 

Tenir compte du coût de la pratique

Du côté des spécialistes libéraux, la revalorisation des « cliniciens » est particulièrement attendue. D'où des revendications fortes sur le nouveau forfait pédiatrique (NFP) ou la majoration spécifique des endocrinologues. « Elle devrait être à la fois augmentée et élargie à d'autres situations », résume le Dr Gasser (Avenir Spé).

Et pour tous les praticiens sur plateaux techniques lourds, pas question de signer une évolution au rabais des contrats de modération tarifaire (OPTAM et OPTAM-CO), alors que le coût de la pratique a bondi. « La hausse de 1 % du modificateur K (applicable aux actes de chirurgie et d'accouchements) est ridicule. Il faudra tout mettre à plat sinon les médecins retourneront en secteur II », juge le Dr Philippe Cuq, chirurgien vasculaire, coprésident du BLOC.

Pour favoriser la coordination entre généralistes et spécialistes et valoriser l'expertise, la CSMF défendra la valorisation de cinq euros de l'avis ponctuel de consultant (APC, 50 euros). « Cela représente 100 millions d'euros. Ce n'est pas la mer à boire », avance son président Jean-Paul Ortiz. Un effort est aussi réclamé pour doper enfin la télé-expertise. « Seulement 20 euros pour le médecin requis, ajoute le néphrologue, ce n'est pas incitatif pour faire décoller cette pratique. »

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin