Enjeu clé des négociations conventionnelles

Visite : du désamour au retour de flamme

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Publié le 10/11/2020
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Face au défi immense de la dépendance et du maintien à domicile, la visite redevient un levier indispensable au bon suivi libéral des patients âgés et fragiles. Reste à convaincre les généralistes qui ont délaissé cette consultation hors du cabinet, chronophage et mal payée. La CNAM sera-t-elle à la hauteur ?

Crédit photo : S.Toubon

« Depuis 2003, on n’est plus sur des visites de confort mais sur des visites indispensables. Et si on ne les fait pas, les gens sont coincés, vont à l’hôpital et appellent SOS Médecins. » Le décor est planté par le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Il n'y a plus de visite standard. Toutes les visites sont des visites longues ! », abonde le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF.

Si cette pratique représentait un acte médical sur quatre en 2001 (23,5 %), le nombre de visites facturées par les généralistes est passé en deux décennies de 65 millions à moins de 20 millions en 2019. Entre 2012 et 2019, le nombre total des visites a chuté de 5 % chaque année – passant en moyenne de 530 à 382 V facturés par généraliste par an sur cette période. Même si la très grande majorité des omnipraticiens poursuivent cette activité (90 % en font encore), le nombre de médecins engagés fléchit également régulièrement. 

Visite à domicile

Pas rentable

Et de fait, 90 % des généralistes jugent cet acte « mal ou très mal payé » pour le temps passé – 35 euros pour 30 à 45 minutes en moyenne –, selon une enquête de MG France auprès de 2 200 médecins en janvier 2020. Quant à la visite longue et complexe (VL) à 70 euros (dont 10 euros de déplacement), ses conditions de facturation sont encore beaucoup trop restrictives pour parler de nouvelle dynamique. En 2019, le nombre de VL s'établit à 300 000, soit à peine 1,5 % des actes facturés…

« Avec une consultation à 25 euros et une visite à 35 euros qui dure régulièrement trois quarts d’heure, voire une heure, ce n'est tout simplement pas rentable », avance le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Le SML enfonce le clou : « La visite standard doit être impérativement valorisée pour qu’elle soit beaucoup plus incitative que le tarif de la consultation actuelle ».

Visite à domicile

Éviter des hospitalisations 

La demande semble être enfin entendue par le gouvernement et la CNAM, dans un contexte où le suivi libéral à domicile des patients âgés, handicapés, polypathologiques et dépendants est devenu prioritaire.

Dans sa lettre de cadrage des négociations conventionnelles, Olivier Véran, ministre de la Santé, a chargé Thomas Fatome, directeur général de la CNAM, de « renforcer l'accès aux soins et la continuité des soins au domicile » (personnel ou établissement). L'incitation aux visites gériatriques des médecins libéraux est aussi à l'ordre du jour. « Si cela permet d’éviter des hospitalisations ou des prises en charge en EHPAD, l’assurance-maladie y a intérêt. Nous voulons travailler avec les médecins pour paramétrer une visite médicale plus incitative », confirme le DG de la CNAM. Plusieurs pistes de revalorisation sont sur la table dont l'extension du périmètre de la VL bonifiée ou le doublement de la majoration de déplacement.

Mais face à une démographie médicale en berne, le seul levier tarifaire ne suffira pas à relancer la machine des visites à domicile. Des organisations pluriprofessionnelles innovantes ou les nouvelles technologies numériques devraient contribuer à faire bouger les lignes.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin