Accusé de graves dérapages en ligne, le « Divan des médecins » se défend et divise la profession

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Publié le 08/01/2020

Crédit photo : divan des médecins

Depuis plusieurs jours, le groupe Facebook privé « Le Divan des médecins » est sous les feux de la rampe. Propos sexistes ou diffamatoires, dérapages, dénigrement : dans une enquête publiée le 5 janvier, « L'Obs » a dévoilé, à la lumière de plusieurs témoignages, le côté sombre de ce groupe de praticiens parfois accusé de violer le secret médical.

Ce groupe fermé est composé de plus de 11 000 médecins. Il a été créé en 2017 par les Drs Elsa Fayad et Christophe Poyer et se définit comme un espace d'entraide médicale entre confrères mais aussi d'échanges pour s'interroger sur la pratique et le quotidien avec bienveillance. Tout y passe : demande d'avis sur des cas cliniques, remplacement, CARMF, installation, posologie, gestion du coup de blues du praticien, soutien moral…

Blagues obscènes

Bien au contraire, interrogés par « L'Obs », plusieurs membres actuels ou anciens dénoncent des photos mal floutées de patients, des noms mal anonymisés, mais aussi des blagues obscènes sous couvert d'humour carabin et surtout des propos sexistes, homophobes, racistes ou grossophobes.

Plusieurs captures d'écran ont été diffusées par « L'Obs » (au bas de l'article). On peut y lire des commentaires tels que « peut-on mettre un coup de pelle au patient qui termine sa partie sur son smartphone ? » ou « Et hop ! Un certif de sport chez CMU ! Désolée, faut payer… ba j'peux pas ! Moi non plus ! Et je suis à l'heure ! Merci Madame CMU »

Depuis quelques jours, la communauté médicale mesure les dégâts. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) et l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) ont condamné les propos diffusés.

Pour les étudiants, le prétexte de l'humour carabin ne peut pas excuser les dérives et le dénigrement. « Le respect est la base d'une relation saine avec les patients et de tels propos peuvent entraîner une défiance légitime », ajoute Romain Levesy, 1er vice-président de l'ANEMF. 

D'autres étudiants ou patients ont partagé leur dégoût.

 

Une à deux expulsions de médecin par trimestre

Contactée par « le Quotidien », l'une des fondatrices, le Dr Elsa Fayad, affirme que de tels dérapages concernent une poignée d'individus, « parfois occasionnellement et parfois de façon répétée ». « Les motifs étaient principalement politiques ou religieux, suivant globalement les polémiques secouant le pays et tournant parfois à la “foire d'empoigne”, ce qui n'est pas l'esprit que nous souhaitons pour le groupe », assure-t-elle. 

Elle reconnaît quelques « rares cas » de non-anonymisation des cas cliniques, rapidement « signalés et corrigés ». Même constat pour les propos sexistes, homophobes ou grossophobes pointés par « L'Obs ». Le Dr Fayad souligne qu'un à deux « signalements » en moyenne sont effectués chaque semaine et qu'« un à deux membres sont expulsés du divan par trimestre ». Pour elle encore, ces incidents « isolés » discréditent et déshonorent cette communauté médicale « animée, par un esprit de partage, d'entraide et de confraternité, parfois aussi de détente et non pas sur le dos des patients ».

Du doc bashing pour les « divanais »

Plusieurs membres témoignent à cet égard leur soutien au « divan », à l'image de ce gastroentérologue qui raconte sur Twitter certains bienfaits de cette communauté.

Un autre membre, le Dr C. raconte au « Quotidien » le mauvais procès fait au groupe. « Il y a eu des dérapages, très restreints. Mais dire que 11 000 médecins se moquent des patients ce n'est pas vrai. 99 % des posts sont des questions, ou des moments du quotidien qu'on partage entre confrères. » Ce praticien poursuit : « Oui il y a des challenges et de « l'humour carabin mais on sent bien plus la bienveillance. Le groupe nous permet aussi de créer du réseau et d'avoir de l'aide au diagnostic. »

Analyse juridique de l'Ordre

Également joint, l'Ordre national des médecins assure n'avoir reçu aucun signalement concernant le groupe. Pour autant, l'affaire n'est pas classée. Le « Divan » fera l'objet « d'une analyse juridique complète afin de déterminer des procédures qui peuvent être envisagées », annonce le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l'Ordre.

Le leader ordinal condamne déjà certains propos jugés « effarants ». « Qu’il s’agisse d’un groupe privé ne change rien dans la mesure où la diffusion est massive, alerte-t-il. Quant à la question de l’humour carabin, s’il y a pu avoir un temps une certaine tolérance, elle n’a plus lieu d’être dans le contexte actuel. » 


Source : lequotidiendumedecin.fr